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que le bien de la France. Il est persuadé que le peuple français ne demande pas mieux que de retrouver la paix, en la payant à son juste prix, bien entendu, et il est prêt à tous les sacrifices pour favoriser la réunion d’une assemblée chargée de signer cette paix. Quoi donc ! il consentait à laisser les élections se faire jusque dans les provinces que par un euphémisme il appelle les « départemens allemands » de la France, et il promettait même, tant est grande sa magnanimité, de ne point inquiéter ceux qui auraient accepté de leurs compatriotes d’Alsace et de Lorraine la mission d’aller les représenter dans une assemblée française. C’est le gouvernement de Paris qui n’a voulu rien entendre, qui s’est obstiné à prolonger son usurpation en refusant à la France le droit de se faire représenter dans une assemblée souveraine, en rendant tout armistice impossible par ses prétentions ambitieuses et exorbitantes ! M. de Bismarck a dit cela plusieurs fois déjà, il se répète, et le thème de sa diplomatie n’en est pas plus heureux. Imagine-t-on en effet un gouvernement comme celui de la défense nationale contestant à la France un droit quelconque, reculant devant l’élection d’une assemblée, tenant à garder sans motif entre ses mains cette lourde dictature du péril et de la nécessité que les événemens lui ont donnée un instant ! Il a décliné l’armistice tel que l’entendait la Prusse, parce qu’il ne pouvait pas faire autrement, parce que le ravitaillement de Paris, non pas un ravitaillement indéfini, comme l’a dit faussement le chancelier de la confédération du nord, mais strictement proportionné à la durée de l’armistice, était la condition première de toute trêve équitable et sincère, parce qu’enfin sans cette condition, Paris, fatigué d’un mois d’inaction, trompé par une perspective de paix, épuisé de vivres, risquait, à l’expiration de la trêve, de tomber comme un fruit mûr aux pieds du roi Guillaume, c’est-à-dire que la Prusse arrivait à son but d’un seul coup et sans combat. C’est là ce que le chancelier prussien appelle ingénieusement le maintien du statu quo ! Pourquoi toute cette diplomatie captieuse, et ces efforts pour travestir les choses ? M. de Bismarck aurait peut-être accepté l’armistice, même avec le ravitaillement de Paris, ne fût-ce que par un reste d’égard pour les puissances neutres, lorsqu’il s’est senti repris de l’orgueil de la victoire à la suite de deux circonstances qui coïncidaient fatalement avec les négociations. La journée du 31 octobre et la reddition de Metz lui enflaient le cœur. Il s’est dit alors que ce n’était pas la peine de se gêner, et il a cru fort spirituel de rejeter toute la responsabilité sur le gouvernement français. À qui le chancelier de la confédération du nord persuadera-t-il que le gouvernement de la défense nationale ne s’est servi de cette question de ravitaillement que comme d’un prétexte pour évincer les puissances neutres, dont l’intervention était le résultat de la patriotique mission remplie en Europe par M. Thiers ?

M. de Bismarck a beau faire, il a beau multiplier les arguties et les