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recherches sur l’histoire naturelle du pays, quelques-uns font des observations météorologiques. La fondation de la société des naturalistes des Grisons, dont le siège est à Coire, a exercé une heureuse influence sur le mouvement intellectuel dans toutes les parties du canton. Il est vrai que les hommes les plus distingués de la Suisse s’efforcent eux-mêmes d’inspirer partout dans le pays le goût de l’étude et d’exciter l’intérêt pour les conquêtes de l’esprit.

Tous les ans, la Société helvétique se réunit pendant quelques jours dans une ville désignée afin de discuter sur toute sorte de sujets scientifiques. Le président de la réunion, qui est toujours un personnage de la localité, ouvre la séance par un discours où il s’applique ordinairement à rappeler le souvenir des choses glorieuses pour le pays que viennent visiter les membres de la compagnie. Ensuite chaque société cantonale, par l’organe du secrétaire, rend compte des travaux qu’elle a produits depuis la dernière assemblée générale. Dans les jours suivans, on s’occupe assez habituellement de l’histoire naturelle de la contrée. La Société helvétique, loin de prendre toujours pour lieu de sa réunion annuelle une ville importante, choisit parfois une localité écartée. On y trouve l’occasion de connaître une partie des moins explorées du pays et l’avantage de pouvoir développer le goût des recherches chez des gens un peu indifférens. C’est ainsi qu’en 1863 la plupart des savans de la Suisse se trouvaient à Samaden, dans la Haute-Engadine. L’assemblée fut présidée par un membre d’une ancienne famille fort considérée, le docteur Ad. Planta.

L’Engadine, tour à tour asservie et indépendante, désolée au XVIe siècle ; par les guerres religieuses, ruinée en 1631 par les Autrichiens, que cinq ans plus tard devait chasser le duc de Ronan, est dans une voie de progrès depuis qu’elle est devenue partie intégrante du canton des Grisons au commencement du siècle. Ce petit pays s’honorait d’avoir eu des capitaines et des réformateurs demeurés célèbres : Jean de Travers, né à Zuz[1], le glorieux chef de l’armée des Grisons, l’historien Durich Champell du petit village de Süs, Bifrun, de Samaden, plus connu sous le nom de Biveroni, le prédicateur éloquent et plein de science, — des administrateurs qui ont contribué à répandre l’instruction, comme les Planta et les Salis. De nos jours, la Haute-Engadine a des hommes d’étude qui ne négligent rien pour parvenir à connaître toutes les choses intéressantes qui les environnent, et le phénomène se présente dans des villages de quelques centaines d’âmes, sous le climat le plus dur à supporter.


EMILE BLANCHARD.

  1. Zuoz pour les Engadiniens.