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localités pour la possession d’un peu d’or. Des spéculateurs étrangers visitent le pays, dépourvu de relations commerciales, afin d’obtenir des produits à des conditions particulièrement avantageuses, et l’on cite telle commune de l’Engadine qui a vendu fort au-dessous de la valeur des bois occupant une vaste étendue.

Les mélèzes et les arolles ne sont pas les seuls arbres verts de la vallée de l’Inn ; dans les parties les moins élevées, il existe des sapins, sur les pentes abruptes et pierreuses des plus pygmées (Pinus pumilio) au tronc tortueux, des genévriers de petite espèce (Juniperus nanti) à tige rampante dont les feuilles piquent cruellement. Les arbres aux feuillus larges ne croissent nulle part, et des arbrisseaux, tels que l’épine-vinette, le sorbier, le sureau à grappes, ne se montrent guère qu’aux alentours des villages ou dans les jardins.

Les plantes des régions alpines paraissent toujours bien intéressantes ; en charmant les yeux, les fleurs délicates qu’on est surpris de trouver pris des neiges éternelles font oublier la fatigue du chemin ; les différentes espèces caractérisent des régions, car l’une meurt sous le climat où l’autre apparaît, et l’investigateur découvre là des sujets d’études intéressantes. Les botanistes qui ont exploré les Alpes rhétiques ont éprouvé, souvent une joie indéfinissable en rencontrant certaines plantes qui comptent au nombre des moins répandues dans la nature ; mais dans la vallée on voit surtout les espèces communes sur la plupart des montagnes. Au bord de tous les sentiers se dressent en épis les fleurs bleues des aconits, qui persistent encore lorsque déjà tombent les premières neiges de l’hiver. L’ancolie noire (Aquilegia atrata) végète près des villages ; au milieu des gazons, les ravissantes anémones aux teintes roses ou azurées s’inclinent sur une tige trop faible pour les porter ; parmi les pierres, les renoncules étalent des fleurs blanches ou jaunes comme nos boutons-d’or. La potentille languissante (Polentilla frigida), que Linné observait en Laponie, se montre tout près de Pontresina ; la mille-feuille musquée (Arhillœamoschala) croît en abondance sur la rive de l’Inn. La coquelourde, cultivée dans nos jardins, pousse naturellement dans les terrains rocailleux, ainsi que l’espèce alpine du même genre (Lychnis alpina) ; de nombreuses campanules offrant toutes les nuances de la couleur bleue se mêlent aux autres plantes ; le joli pavot des Alpes affronte le voisinage des glaciers. Dans presque toutes les parties de la Haute-Engadine, on rencontre une belle plante de la famille des chèvrefeuilles, la linnée boréale (Linnœa borealis) qui vit également au nord de l’Europe, la gentiane des neiges, l’œillet des glaces et le silène des rochers (Dianthus glacialis et Silène rupestris), une violette attachée au sol des plus froides régions (Viola pinnata). N’est-ce pas ici encore pour les saxifrages un lieu préféré ? Ces plantes d’espèces nombreuses se développent en touffes