Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 90.djvu/516

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

communications possibles entre les maisons. Il faut attendre la seconde moitié du mois de mai pour voir des jours meilleurs ; alors le soleil commence à échauffer l’atmosphère, la neige fond, la surface des glaciers est atteinte, de tous les points élevés l’eau se précipite en cascades, les ruisseaux sont des torrens qui roulent avec fracas : spectacle d’une grandeur inouïe. Même dans les mois de juin et de juillet, les nuits restent fraîches ; mais la température s’élève beaucoup pendant les heures du jour, elle monte souvent entre 25 et 30 degrés, et dans les gorges il n’est pas rare d’avoir une chaleur suffocante. Aussi avec quelle rapidité pousse la végétation sur la terre imprégnée d’eau ! L’herbe croît en masses touffues, les gazons s’étalent, les fleurs apparaissent de tous les côtés. Au village, de petits jardins soigneusement cultivés font oublier un instant que l’on vit sous le plus rude climat ; malheureusement combien est courte la durée de cette brillante nature ! Une nuit passe, et tout est flétri, de sorte que la culture de la plupart des plantes alimentaires est impossible.

Le froid intense, l’hiver interminable, ne sont pas les seules tristesses de l’Engadine : le vent est parfois bien pénible dans cette étroite vallée, sans compter, à certains jours, le fœn, un vent de sud-est, particulier aux Alpes, surtout aux Alpes rhétiques, qui souffle avec une effrayante impétuosité. Les blocs renversés, les arbres brisés ou déracinés, les toitures arrachées, sont les traces ordinaires du passage de l’ouragan ; une fonte de neige rapide, une remarquable accélération dans la croissance des végétaux, une influence sur l’organisme humain, sont les effets mille fois constatés de ce vent, qui a fortement préoccupé les météorologistes. Longtemps il a été admis que le fœn, tantôt sec, tantôt chargé de vapeur, venait de l’Afrique ; mais cette opinion a été fort ébranlée à la suite d’études récentes. On a reconnu que ce vent était limité aux régions alpines, sans pouvoir néanmoins jusqu’à présent en découvrir l’origine.

Pendant la plus grande partie de l’année, l’atmosphère est d’une admirable transparence dans la Haute-Engadine. ; le ciel est bleu comme dans l’Europe méridionale, et la vue porte sans obstacle à d’énormes distances. En été, les eaux absolument froides qui descendent des glaciers fournissent peu de vapeurs, et en hiver la congélation rapide ne laisse subsister aucun brouillard. Cette circonstance est mise à profit : du mois d’octobre au mois d’avril, on expose simplement à l’air les viandes qui doivent être conservées, et la dessiccation s’effectue de la manière la plus satisfaisante.

En explorant du regard les alentours de Pontresina, l’objet qui frappe plus que tous les autres, c’est le glacier du Roseg, qu’on