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le trésor s’était élevé depuis 1860 de 11,750,000 à 12,640,000 livres sterl., et cet accroissement eût été sans aucun doute plus considérable sans les souffrances que des disettes successives et la crise industrielle avaient infligées aux classes ouvrières ; peut-être aussi fallait-il tenir compte du changement de goût qui paraissait s’introduire dans les populations. Les liqueurs douces étaient bien plus recherchées, et l’importation des vins avait plus que doublé depuis le traité de commerce. Enfin les spiritueux n’étaient pas un article dont l’usage dût être encouragé, et, loin de faire le moindre sacrifice en ce qui les concernait, le devoir du gouvernement et du parlement était au contraire d’en tirer le plus grand profit possible ; il n’en était pas de même du sucre, denrée aussi utile que saine et objet d’un grand commerce à l’intérieur aussi bien qu’à l’étranger. En 1854, il avait été frappé, ainsi que le thé, d’une surtaxe, réduire seulement depuis lors d’une façon insignifiante ; un allégement avait été accordé sur le thé dans la dernière session, et, la situation du trésor permettant une nouvelle diminution des taxes indirectes, il était équitable que le sucre en bénéficiât. La remise proposée sur cet article était en moyenne, ainsi qu’on l’a vu, du quart du droit ; mais, une augmentation de consommation étant plus que probable, M. Gladstone n’évaluait la perte qu’à 1,300,000 liv. sterl., et comptait sur un produit de 5,250,000 livres.

Ces diverses considérations, développées par le chancelier de l’échiquier avec l’abondance de calculs et la clarté d’argumens qui lui sont habituelles, prévalurent, et le parlement vota la réduction sur le sucre. Quant à l’income-tax, aucune objection ne fut faite : le chiffre de 6 deniers fut adopté, et à ce sujet M. Gladstone crut devoir soumettre à la chambre des communes des considérations qu’il n’est pas sans intérêt de reproduire. Après avoir constaté les services que l’income-tax avait rendus à l’Angleterre et les circonstances impérieuses qui, malgré tant de promesses faites, avaient obligé à le conserver parmi les ressources ordinaires de l’état, après avoir rappelé aussi l’opinion qu’il avait lui-même exprimée à diverses reprises, à savoir que cet impôt était inégal, vexatoire par les formalités d’enquête auxquelles il donnait lieu, immoral même en excitant l’esprit de fraude pour y échapper ou en diminuer le poids, le ministre ajouta qu’aussi longtemps qu’il serait maintenu, toute économie serait impossible. C’était là, suivant lui, un point qui n’avait jamais été traité d’une façon sérieuse ; mais l’expérience qu’il avait acquise dans ses fonctions de chancelier de l’échiquier et l’obligation où il s’était constamment trouvé, depuis qu’il les occupait, de lutter jour et nuit contre des propositions de dépenses de toute nature, lui avaient donné à cet égard une conviction bien arrêtée ; Son sentiment était donc que, si la chambre désirait voir l’administration