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que l’une était peut-être d’une taille plus svelte et d’une nature plus ouverte, tandis que l’autre était plus réservée dans ses allures et d’une complexion plus robuste. Chacune d’elles pouvait donc avoir ses admirateurs sans que ces derniers eussent raison de se jalouser entre eux, et en sa qualité de chancelier de l’échiquier il croyait de son devoir de rendre des hommages absolument semblables à l’une et à l’autre. Puis, rappelant les décharges si fructueuses qu’avait reçues depuis vingt ans l’impôt indirect, le ministre ajouta qu’il y aurait grande erreur à croire que le parlement en les opérant eût visé à la suppression de cet impôt. Bien au contraire, les élagages auxquels on avait procédé, loin de tuer l’arbre, n’avaient fait qu’en accroître la vigueur, et les produits en étaient plus abondans que jamais ; mais, bien qu’on eût déjà beaucoup fait, il restait à faire encore, et de nouvelles réformes accomplies successivement, en temps opportun, d’une façon équitable et prudente, porteraient indubitablement leurs fruits. Le ministre exposait ensuite les raisons qui lui avaient fait donner la préférence parmi les impôts indirects à la taxe sur le papier et parmi les impôts directs à l’income-tax. Toutefois il cessait de promettre la prochaine suppression de ce dernier. « Je sais, disait-il, combien il est lourd : je n’abandonne pas l’espoir qu’un jour viendra où. il sera possible de l’abolir, et je serai d’autant plus heureux d’être le ministre chargé d’en soumettre la proposition au parlement que c’est en général moi que l’on rend responsable du maintien de cet impôt, ainsi que du taux auquel il a été porté, et que, suivant certaines personnes, il est absolument de mon devoir de le supprimer ; mais ce devoir, il me sera impossible de le remplir aussi longtemps que le pays sera satisfait d’être gouverné plutôt au prix de 70 millions que de 60 millions de livres st., et je crains bien que la chambre à laquelle écherra la bonne fortune de réaliser un pareil bienfait ne soit composée encore que de ces jeunes législateurs gratifiés, quant à présent, après leur dîner, d’un gâteau ou d’un raisin. » M. Gladstone proposait donc de réduire l’income-tax d’un denier, de supprimer l’impôt sur le papier à partir du 1er octobre seulement,-et le parlement ayant accepté ces remises dont le total pour 1861 s’élevait à 1,500,000 liv. st., le budget se trouva voté avec un excédant de ressources de 400,000 livres.

Diverses circonstances vinrent en déranger toute l’économie : d’un côté, des reliquats à solder pour l’expédition de Chine et l’envoi de troupes au Canada en vue des éventualités que pouvait y amener la guerre de la sécession aux États-Unis accrurent les dépenses de 1,300,000 liv. sterl. ; de l’autre, la suspension de la culture du coton dans les provinces insurgées et le blocus mis par le gouvernement du nord sur les côtes du sud firent renchérir cette denrée ;