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Neufchâteau, dans une dépêche fort emphatique, par conséquent suspecte, annonce à Tours que le maréchal Bazaine vient de détruire les forges et l’église d’Ars-sur-Moselle, d’anéantir 26 bataillons prussiens ainsi que deux régimens de cavalerie, et de s’emparer d’un convoi de 193 voitures de vivres. Ce combat, dont nous ne trouvons ailleurs aucune trace, ne serait-il point celui qui eut lieu, non au sud, mais au nord de Metz, pendant lequel on entendit en effet le canon du fort Saint-Privat, ce qui aurait pu faire croire à une attaque sur Ars, mais dont le principal effort se porta dans la direction de Thionville ? D’après le témoignage d’un Américain qui y assistait, cette vigoureuse sortie de l’armée française fut précédée, du 2 au 7 octobre, par une série d’engagemens dans la vallée de la Moselle. Il s’agissait pour les Prussiens de bombarder le fort Saint-Éloy, qui commande la vallée, et pour les Français d’empêcher que la route de Thionville leur fut définitivement fermée. Le village de Ladonchamps, clé de la position, pris et repris plusieurs fois, reçut dans la journée du 6 un millier de bombes prussiennes. « Jamais, écrit un officier français, on n’entendit pareille mitraillade. En une heure, un régiment était réduit à rien. Mon cheval, après le combat, était piqueté de taches de sang. » Le 7, un brouillard très intense permit au maréchal Bazaine d’emporter la première ligne des Prussiens et de pousser ses têtes de colonnes au-delà de Ladonchamps, jusqu’aux Grandes et aux Petites-Tapes ; mais là il fut arrêté par les feux croisés des batteries qui, de toutes les hauteurs environnantes, dominaient la Moselle et par les charges de l’infanterie prussienne, qui s’élançait sur la nôtre lorsque le canon avait jeté le désordre dans nos rangs. Là comme toujours, depuis le commencement de cette guerre, l’artillerie prussienne nous écrasa. Notre intrépide infanterie ne put jamais se déployer en lignes sans être couverte d’obus. Les Français se battirent comme des démons, dit un publiciste américain ; ils détruisirent deux régimens de landwehr, mais leur artillerie était relativement faible.

Là parut s’arrêter l’effort des assiégés. A moins qu’il n’y ait eu quelques jours plus tard une nouvelle sortie dans la direction d’Ars-sur-Moselle, comme pourrait le faire supposer la dépêche de Neufchâteau, que nous avons citée, il ne semble pas que, du 7 au 27 octobre, la lutte ait été reprise. M. de Valcourt dit déjà que le 12 on commençait à parler de la capitulation. Depuis le 18 août, le maréchal Bazaine, d’après le témoignage d’un des officiers de l’armée de Metz aujourd’hui prisonnier en Allemagne, avait livré en deux mois et dix jours huit grands combats, tenté huit fois, dans des directions différentes, de percer les lignes prussiennes. La France serait bien ingrate, si, au moment où elle cherche à se