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point dans le texte écrit de la capitulation, tel que nous le donnent les journaux allemands, en assurait la remise à la France après la signature de la paix. Il semble au contraire que le premier devoir d’un général en chef avant de capituler soit de ne laisser tomber entre les mains de l’assiégeant aucune arme qui ajoute quelque chose aux forces de celui-ci. Tant que la capitulation n’est pas signée, le droit de destruction est absolu ; c’est un devoir indiqué. Les Prussiens se plaignirent après Sedan qu’on eût violé les lois de la guerre, parce qu’un grand nombre de soldats avaient brisé ou jeté leurs fusils dans la Meuse ; mais les chefs de l’armée eussent évité ce reproche, s’ils avaient ordonné avant la capitulation que tout ce qui pouvait être utilement détruit fût détruit. Le maréchal Bazaine, en livrant intact à l’ennemi tout son matériel de guerre, semble avoir consenti à une concession en échange de laquelle il n’obtient du vainqueur aucune promesse formelle, aucun engagement positif ; nous verrons après la guerre si tout ce que nous avons livré nous est rendu, si l’ennemi n’a pas immédiatement dirigé sur Paris ou sur Thionville tout ce qui pouvait lui servir. Mais ce qui nous étonne le plus dans la proclamation du maréchal Bazaine, et ce qui afflige le sentiment national, c’est le silence absolu que garde le commandant en chef de l’armée du Rhin sur les habitans de la ville dont il vient de fixer le sort. A l’heure où il se sépare de cette malheureuse et patriotique cité, qui supporte depuis près de trois mois le fardeau de la guerre, qu’il a encombrée de ses 20,000 blessés, dont ses soldats ont épuisé les ressources, qui tiendrait encore, si elle n’avait pas eu à nourrir autour de ses murs une armée immense, il n’adresse pas une parole d’adieu à ces compagnons intrépides de toutes ses souffrances, — à ces femmes généreuses qui ont recueilli chez elles tant de malades ou de mutilés, pansé de leurs mains tant de blessures, bravé pour remplir un devoir charitable toutes les horreurs de la dyssenterie, du scorbut et de la pourriture d’hôpital, — à ces médecins civils qui ont multiplié leurs efforts pour suppléer au petit nombre des médecins militaires, — à cette énergique garde nationale qui partage aujourd’hui la captivité des soldats comme elle a partagé leurs fatigues, — à cette artillerie de la garde mobile qui, dès le premier combat, livré autour de Metz le 14 août, essayait déjà sur l’ennemi la portée des canons du fort de Queuleu, — à ces volontaires, à ces francs-tireurs qui s’étaient spontanément offerts parmi les jeunes gens des familles les plus honorables de la ville, qui occupèrent depuis le 15 septembre les avant-postes de Grimont, y restèrent jusqu’au dernier jour, et ne cessèrent d’y harceler l’ennemi. Faut-il donc croire, comme semble l’indiquer la communication faite le 19 octobre aux officiers par leurs chefs, qu’une sorte de