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de résolution inventive. Ils n’avaient qu’à offrir au général Trochu, qui ne l’aurait certainement pas refusé, le procédé infaillible sur lequel ils comptent pour battre les Prussiens. S’ils étaient de vrais patriotes, au lieu de fomenter les défiances et les agitations, ils comprendraient que la seule politique pour eux, comme pour tous les autres, c’est l’union de toutes les volontés, de tous les efforts, et avant d’agir ou de parler ils regarderaient vers le camp prussien pour mesurer le degré d’utilité que l’ennemi peut trouver dans leurs paroles ou dans leurs actions. Il ne suffit pas de faire fermer les barrières pour laisser ignorer les « dissidences soulevées dans Paris. » Croit-on que l’ennemi ignore ces « dissidences » et qu’il ne s’en réjouisse pas ? M. de Bismarck l’a pourtant bien assez dit, il l’a crié sur les toits, il n’a pas caché qu’il comptait sur les divisions intestines pour lui ouvrir les portes de Paris. On a failli lui donner raison le 31 octobre en lui prouvant que dans sa sagacité inexorable il nous jugeait plus sûrement que nous ne faisions nous-mêmes. A défaut d’une plus ample victoire qu’on ne lui a pas laissée heureusement ; il a du moins trouvé dans ces scènes un argument de plus pour rendre impossible l’armistice qui se négociait en ce moment, et il en sera toujours ainsi. Tout ce qui nous détourne de notre seul but patriotique et national sert l’ennemi. C’est ce que nous ne devrions jamais perdre de vue.

Il y a aujourd’hui des réunions publiques où l’on pérore sur toute sorte de sujets, où se produisent toute sorte de propositions extraordinaires aussi peu rassurantes pour la liberté que pour le patriotisme : pense-t-on que M. de Bismarck n’aime pas mieux ces évaporations bruyantes et stériles qu’une attitude calme, réservée et simplement résolue ? Eh ! sans doute il préfère cela, parce qu’il sait bien que les déclamations des clubs ne lui font pas beaucoup de mal, et que le temps qu’on passe à s’échauffer en discours inutiles est perdu pour la défense. Étendons notre regard ; nous savons bien peu de chose de la province, ce que nous en savons est incertain et obscur. On dit seulement que quelques villes, et les plus grandes, les plus populeuses, ont été envahies par l’anarchie, qu’elles font plus ou moins des 31 octobre. Si cela est, croit-on que M. de Bismarck ne trouve pas une force de plus dans cette confusion des provinces, et qu’il ne préfère pas cette énervante anarchie à l’union patriotique, à la confiance virile, à l’énergie disciplinée, de nos villes et de nos campagnes ? C’est l’intérêt de l’ennemi qui est notre lumière et qui nous trace notre devoir. Ce qu’il peut désirer le plus, évitons au moins de le faire et de donner raison à toutes ces prédictions aussi présomptueuses que meurtrières pour nous. Il faut s’affranchir de toute politique régulière, crie-t-on ; il faut procéder par l’enthousiasme, proclamer la république universelle, l’insurrection universelle des peuples ! Oui, c’est là ce qu’on nous propose, à nous qui sommes enfermés dans Paris, qui avons Saint-Cloud pour frontière, et qui ne savons