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l’Hôtel de Ville, venaient de se prononcer pour l’élection immédiate de la commune, consentie d’un autre côté par le gouvernement, et dès lors à leurs yeux la commune était une chose acquise ou conquise qui leur donnait en quelque chose un droit d’intervention ; mais point, voilà un des maires les plus honorables les plus éclairés, M. Henri Martin, déclarant que dans la réunion qui avait lieu effectivement le nom même de la commune n’avait point été prononcé, qu’on ne s’était occupé que de l’élection des municipalités, ce qui est bien différent, qu’il n’avait été, ostensiblement du moins, dans l’intention de personne d’élever un pouvoir rival du gouvernement du 4 septembre, et que d’ailleurs les délibérations des maires avaient été interrompues par l’envahissement de l’Hôtel de Ville. N’importe, on voulait la commune, on la proclamait par toutes les fenêtres, M. Gustave Flourens la portait avec lui sur la table du haut de laquelle il dominait les événemens, et M. Blanqui, affublé de sa dictature, passait son temps à donner des ordres ou à chercher M, Flourens, qu’il ne trouvait jamais. C’est ainsi qu’on travaillait à fortifier Paris contre L’ennemi et à dédommager la France du désastre de Metz !

Et dire pourtant que ces scènes ont pu se prolonger jusque fort avant dans la nuit, qu’on a pu même croire un instant qu’une révolution venait de s’accomplir dans les ténèbres ! Comment cette audacieuse surprise se trouvait-elle déjouée avant que le jour n’eût reparu ? comment Paris se réveillait-il le 1er novembre délivré et rassuré, apprenant presque en même temps le péril qu’il avait couru et la fin de cette triste équipée ? Il n’est point douteux d’abord que la ferme et impassible attitude du gouvernement, représenté par le général Trochu, M. Jules Favre, M. Jules Simon et quelques autres de leurs collègues, déconcertait un peu les envahisseurs. Si les membres du gouvernement avaient eu la faiblesse de donner la démission qu’on voulait leur arracher, le tour était joué, le pouvoir du 4 septembre avait disparu, il ne restait plus que le gouvernement du 31 octobre. En refusant de capituler devant l’ennemi intérieur, devant la force, les chefs de la défense nationale faisaient ce qu’ils pouvaient, ils gagnaient du temps. Dans l’intervalle, M. Ernest Picard parvenait le premier à s’échapper, et le ministre des finances se hâtait de donner autour de lui le signal de la résistance. Après M. Ernest Picard, C’était M. Jules Ferry qui s’échappait à son tour, et déjà la garde nationale se mettait en marche, elle faisait irruption dans l’Hôtel de Ville. Cette fois c’est le général Trochu lui-même que M. Gustave Flourens, toujours du haut de sa table, a la douleur de voir échapper sans pouvoir disputer son prisonnier. Évidemment la fortune va changer. Bientôt ce n’est plus seulement la garde nationale qui afflue de tous côtés, c’est la garde mobile de Bretagne qui se montre « fusils chargés, baïonnettes en avant. » Chose mystérieuse et horrible, les mobiles bretons ont pénétré par un souterrain dont M. Flou-