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ingénieurs de tous les pays se sont rapidement décidés à en rejeter l’usage, comme il était arrivé pour le coton-poudre ordinaire. On se rappelle, entre autres catastrophes, l’explosion du steamer l’Européen, de la compagnie des Indes occidentales (3 avril 1866), celle qui survint quelques jours après à San-Francisco, où deux barils de nitroglycérine, en éclatant, produisirent dans la ville l’effet d’un tremblement de terre, et enfin la destruction du village de Quenast, en Brabant, produite par une explosion du même corps. Cependant en 1865 un savant ingénieur suédois, M. Nobel, découvrait que, mélangée à du sable fin, à de la silice, la nitroglycérine devient beaucoup plus facile à manier, sans rien perdre de son énergie explosive. C’est précisément ce mélange qui constitue la dynamite. Peu connue en France, la dynamite rend depuis longtemps à l’étranger de grands services aux travaux publics et aux mines : peu de personnes savent que Cologne possède une immense manufacture pour la fabrication de ce produit. Les mines de Norvège et de Californie en consomment beaucoup. Chose curieuse, aucun accident ne s’est jamais produit dans la préparation, le transport ou l’emmagasinage de cette poudre. Dans la terrible explosion de nitroglycérine qui fit sauter, il y a deux ans, une manufacture à Stockholm, un dépôt de dynamite contigu à l’établissement fut projeté au loin et disséminé, mais non enflammé. Puissance mécanique énorme et sécurité absolue, voilà en résumé les deux qualités qui caractérisent la dynamite, et doivent en recommander l’usage. Il est bon d’ajouter que le nouveau coton-poudre les possède aussi, quoique à un moindre degré. Deux substances impossibles à manier, alors qu’un choc accidentel ou la moindre secousse en déterminait l’explosion et auxquelles on avait été forcé de renoncer, sont ainsi redevenues précieuses, grâce aux travaux chimiques qui ont permis d’en maîtriser et d’en régler l’action.

Il nous reste à parler d’une dernière catégorie de moyens de défense ou plutôt de procédés de destruction, procédés extrêmes auxquels il faudra bien en venir, si les entreprises de l’ennemi nous y obligent : il s’agit des feux liquides et autres compositions inextinguibles rappelant plus ou moins le terrible feu grégeois du moyen âge. On a d’abord et tout naturellement songé au pétrole. Celui que renfermait la capitale a été mis en réquisition, et il sera utilement employé soit pour des bombes incendiaires, soit pour enflammer à un moment donné les branches d’arbres qu’on a disposées autour des forts. On ignore, la composition exacte du feu grégeois dont parle le chroniqueur Joinville ; les tentatives faites pour en retrouver la formule n’ont pas abouti. Il est probable cependant qu’il devait se composer de quelque hydrocarbure plus ou moins analogue au pétrole et aux autres essences d’origine bitumineuse ;