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maison une grande salle à manger et un salon. Ce qui frappe l’étranger assistant à midi à la sortie des ateliers et ensuite à l’entrée dans la salle à manger, c’est la toilette des ouvrières, d’une fraîcheur qui va jusqu’à l’élégance. Les étoffes en sont de bon goût, bien coupées et bien portées. En France, cette coquetterie serait une mauvaise note ; en Amérique, elle ne préjuge rien : les jeunes filles qui font le plus de frais pour plaire ne sont pas celles qui défendent le plus mal leur vertu.

L’ordinaire dans ces pensions consiste en mets de bonne qualité et copieusement servis. Nous empruntons à M. Engel la composition des repas d’une journée prise au hasard. — Déjeuner à six heures du matin : café ou thé, viande, biscuits, pain chaud, beurre ; — dîner à midi : thé pour les hommes seulement, viande, pommes de terre, légumes verts, gâteaux ou puddings, pain, beurre ; — souper à six heures et demie du soir : thé, gâteaux, pain, fromage, beurre, biscuits. C’est là évidemment l’équivalent d’une bonne table bourgeoise. Le prix total de la pension par semaine, logement, nourriture, blanchissage et éclairage compris, est de 3 dollars 50 (13 fr. 65 cent.) pour les hommes, et pour les femmes de 2 dollars 75 (10 fr. 50 cent.). Nous retrouvons chez MM. Sprague et Ce des prix un peu supérieurs ; la pension pour les hommes est de 5 dollars, environ 20 francs par semaine. Le coût des maisons paraît également plus élevé ; la moyenne est de 600 à 1,000 dollars pièce, suivant les grandeurs (2,400 à 4,000) ; le loyer seul est à des conditions assez douces. On a des habitations en bois, à rez-de-chaussée, accompagnées d’un petit jardin, qui peuvent loger deux familles au prix de 40 dollars (156 francs) par an et par famille de six personnes. Dans les fabriques peu nombreuses encore qu’on rencontre dans les états du sud, la vie est meilleure pour l’ouvrier que dans le nord. Les ressources alimentaires, en raison du climat, sont plus abondantes, tandis que les besoins sont moindres : on s’y nourrit, on s’y vêtit à moins de frais. Des constructions en bois de sapin sont une défense suffisante contre des hivers très tempérés. Dans l’établissement de Granité ville en Géorgie, les logemens ne sont chauffés que de loin en loin ; ce n’est pas une dépense. La compagnie d’ailleurs en a la charge ; elle met gratuitement à la disposition des ouvriers les constructions très économiques dont la manufacture est environnée. — Pour la nourriture, il y a aussi des pensions tenues soit par des ménages d’ouvriers, soit par des personnes qui en font état : dans le premier cas, c’est à dollars, (15 fr. 60 cent.) par semaine pour trois repas par jour, dans le second 5 dollars (19 fr. 50 cent.). À ce prix, on a d’amples portions de porc et de lard, avec accompagnement de mais, de riz, d’œufs et de patates. Le bœuf figure également sur les tables et coûte