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défenses qui en ont fait depuis deux siècles un boulevard de la France, une place de guerre de premier ordre ; mais en ces temps voisins des entraînemens chevaleresques la menace d’un siège de Metz fut reçue comme le défi d’un duel entre la monarchie de Charles V et la monarchie des Valois, comme l’indication d’un tournoi formidable où la chevalerie flamande, espagnole, italienne et autrichienne viendrait se mesurer avec la chevalerie française. Metz n’était pas loin de Bouvines, le rendez-vous fut accepté. Charles V y dirigea rapidement des forces immenses ; l’empire proprement dit ne l’y suivit pas, mais le patriotisme français s’y porta d’un élan admirable.

Il y avait alors une noblesse française, forte et vigoureuse, endurcie aux fatigues de la guerre, accoutumée à partager le pain d’un peuple qui la suivait fidèlement, à vivre de peu dans ses donjons, comme à mourir sur les champs de bataille ; soumise à la discipline sévère de l’honneur, brave jusqu’à la témérité, populaire et respectée ; consacrée par les croisades, par la guerre de cent ans et par la reprise du sol français sur les Anglais ; héritière de toutes les gloires nationales, et souffrant de toutes les infortunes publiques. Elle avait suivi Charles VIII, Louis XII, François Ier et Henri II en Italie, et pour un jour néfaste, à Pavie, elle y avait compté bien des journées glorieuses, Agnadel, Marignan, Cérizolles ; les impériaux n’étaient point pour elle un objet d’effroi. Il y avait surtout autour du trône et en tête de cette noblesse, à côté des Montmorency, des Châtillon, une race magnanime, douée de toutes les qualités qui donnent de l’empire à la grandeur, et jouissant d’une immense autorité sur les esprits, qu’elle fascinait par un ascendant irrésistible, — intrépide, ambitieuse, magnifique, dévouée, téméraire, tenant des héros de la fable autant que des héros de l’histoire ; c’était la race des Guise. Simple cadet de la maison de Lorraine, Claude de Guise, à la mort du duc René II, avait eu en partage les seigneuries éparses et détachées de son père, pendant que son frère aîné avait recueilli les souverainetés de Lorraine et de Bar. Race allemande d’origine, mais française d’alliance, de langue et d’habitude, la maison de Lorraine résidait à la cour de nos rois autant qu’à Nancy. Claude, après son partage, fixa son établissement définitif en France, et devint un des personnages les plus considérables de son temps, allié des rois, esprit élevé, noble caractère et redoutable épée. Père d’une nombreuse et superbe lignée, chacun de ses enfans fut une gloire de la France ; mais au premier rang son fils aîné, François de Lorraine, que l’histoire a nommé le grand duc de Guise, père lui-même de cet autre grand duc de Guise qu’on appela le Balafré. Selon les idées du temps, il n’y eut auprès de la royauté rien de grand comme les Guise. Aucune autre