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expédiens, Charles V changea la direction de ses batteries. Il résolut cette fois de pacifier l’Allemagne, pour reporter toutes ses forces contre Henri II, dont il avait dit à M. de Marillac qu’il le réduirait à la condition du plus modeste gentilhomme de son royaume. Il mit en liberté Jean-Frédéric de Saxe, et le rétablit dans ses honneurs et dignités, croyant par là punir Maurice de son ingratitude. Il donna plein pouvoir à Ferdinand, roi des Romains, pour traiter avec les insurgés, d’abord d’une trêve, et puis d’un accommodement définitif. Maurice ne voulait pas traiter de la paix sans y comprendre le roi de France, allié des princes ; mais, Ferdinand ayant déclaré que l’empereur ne pourrait admettre qu’on parlât du roi comme d’un ami de l’empire, Maurice craignit de perdre une occasion favorable aux intérêts de son pays, et, confiant en la loyauté de Henri II, il prêta l’oreille à la transaction proposée. Ce fut la célèbre transaction de Passau du 2 août 1552. Le landgrave fut remis en liberté, les princes dépouillés furent rétablis ; le formulaire provisionnel, connu sous le nom d’interim, fut cassé et annulé. L’empereur promit qu’une diète serait prochainement assemblée pour terminer à l’amiable les disputes sur la religion ; il fut convenu que les protestans jouiraient en attendant d’une pleine liberté de conscience, et que les assesseurs de la chambre impériale de Spire, si sévère et si redoutée, seraient désormais tirés indifféremment des deux religions. On arrêta de plus que, si l’on ne parvenait pas dans la diète prochaine à réunir les esprits sur le point du dogme, cette transaction aurait force de loi perpétuelle. Enfin il fut stipulé qu’une amnistie complète serait accordée aux anciens alliés de Smalkalde qui n’avaient point encore fait leur soumission à l’empereur[1]. Telle fut la conclusion inespérée de l’entreprise hardie de Maurice de Saxe. Elle fit le plus grand honneur à son habileté et lui assure une mention honorable dans l’histoire.

Il lui restait à liquider une situation délicate avec Henri II. Il s’en tira heureusement par le moyen le plus honnête, qui fut en même temps le plus habile. Il avoua sincèrement et franchement au roi tout ce qui s’était passé dans son âme en ces momens difficiles, et il fit appel à ses sentimens généreux. Sa lettre est du jour même où furent accordés les premiers articles entre lui et Ferdinand à Lintz, dans la haute Autriche. Henri II y répondit avec le même sentiment de confiance et d’amitié par la belle dépêche que voici : « J’ai reçu, mon cousin, votre lettre du 2 de ce mois par ce gentilhomme présent porteur, et par icelle entendu comment les choses se sont

  1. Voyez Pfeffel, Abrégé chronol. sur l’année 1552, et le texte des différens actes souscrits à Passau, dans Dumont, loc. cit.