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France. Il eut une entrevue secrète à Bar-le-Duc avec François Ier (1533), et le souverain français, prenant la défense du jeune duc de Wurtemberg dépouillé de ses états, promit aux princes un subside de cent mille écus, déguisé sous la forme d’un prêt hypothéqué sur Montbéliard. Un envoyé français parut même à Augsbourg, devant la ligue de Souabe, et y donna l’assurance de la protection de François Ier. Forts de cet appui, les princes de Saxe, de Hesse et de Wurtemberg, tirèrent l’épée contre le roi des Romains, Ferdinand, exécuteur inexorable des décrets impériaux. Ferdinand trembla bientôt devant Vienne ; il eut encore recours à la ruse, aux promesses de tout genre. On négocia même à Cadau, en Bohême, une révision de la constitution germanique. Depuis l’introduction des cercles, elle était en effet très imparfaite, et ne dispensait pas d’avoir recours aux ligues, ou associations privées, pour garantir les personnes et l’ordre public. Sur ces entrefaites, Charles V, revenant de son expédition d’Afrique, obtenait du chevaleresque François Ier la liberté de traverser la France pour aller réprimer la révolte des Gantois. A la faveur de cette diversion dans les Pays-Bas, la ligue de Smalkalde put se renforcer et préparer une plus sérieuse résistance. Ferdinand lui opposa une ligue impériale, et l’empereur convoqua la diète de Ratisbonne. Il y caressa le dangereux landgrave qui était l’âme de la ligue de Thuringe, le captiva et en obtint une transaction dont le premier article était la renonciation à l’alliance française. En échange, l’empereur promulgua le fameux interim de Ratisbonne, qui donnait apparente satisfaction aux intérêts des réformés, mais qui avait l’inconvénient d’augmenter la puissance impériale en lui donnant l’occasion de statuer sur les matières de religion. Cependant Luther admit l’expédient. On y gagna un peu de paix ; on reprit les théories de droit politique. Le jus reformandi fut nettement revendiqué par les princes, et en peu de temps la force des choses ramena les anciens embarras, l’indication d’un concile à Trente excitant la méfiance des réformés. Une nouvelle guerre avec la France occupa Charles V, et l’indépendance allemande fit encore un effort pour se constituer (1544). En présence de ce danger, et pour n’avoir plus que les affaires d’Allemagne à régler, Charles-Quint fit brusquement la paix avec François Ier. Ce fut la paix de Crespi, qui mit en péril les destins des réformés, et dont François Ier fut la dupe.

Par cette paix, le roi consentait à des abandons de territoire contre lesquels le dauphin, qui fut bientôt Henri II, ne craignit pas de protester publiquement ; mais l’habile empereur avait surpris le consentement royal en promettant comme compensation le mariage de sa t fille aînée avec le deuxième fils du roi, et les Pays-Bas pour dot, se