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dégager seule par les efforts de la ligue de Souabe. L’empereur y demeura presque indifférent, les paysans ne s’attaquant point à son autorité. Ses rapports avec les états d’empire en devinrent plus difficiles. Sa prétention au pouvoir absolu ne connut dès lors plus de bornes. Le pape lui-même ne fut pas respecté ; Rome fut prise et pillée par son lieutenant, le connétable de Bourbon. Aussi catholiques et réformés se prononçaient contre lui. Pour se remettre avec les premiers, il se montra cruel envers les seconds. A la diète de Spire (1529), il proposa des mesures qui provoquèrent la protestation des réformés. L’Allemagne indignée laissa les Turcs assiéger Vienne, et Charles-Quint dut convoquer une nouvelle diète à Augsbourg en 1530. Là fut présentée la célèbre confession, rédigée par Mélanchthon. L’empereur essaya de l’intimidation contre les réformés ; mais, son despotisme devenant intolérable, Luther et ses amis contestèrent en droit les pouvoirs de l’empereur allemand, qu’ils avaient ménagés jusqu’alors. On repoussa, comme violant les capitulations, l’élection d’un roi des Romains qui devait assurer la transmission de la couronne à Ferdinand, frère et vicaire de Charles-Quint ; les états d’empire, alliés à Smalkalde, firent appel à tous les princes chrétiens, entre autres au roi de France[1], qu’on regrettait d’avoir autrefois sacrifié à l’oppresseur public. L’empereur irrité levait des troupes étrangères pour les conduire contre les princes d’Allemagne ; ceux-ci se crurent le droit d’invoquer à leur tour l’assistance de princes étrangers. L’appel à la France fut au reste très efficace, car il suffit pour décider Charles-Quint à suspendre l’exécution des recez de la diète d’Augsbourg. Autant peut-être que la ligue de Smalkalde, il protégea la liberté germanique, et l’empereur en pâlit de colère à Bruxelles. On assure que Luther montra quelque hésitation au sujet de cet appel à un souverain étranger qui ne traitait pas chez lui les protestans avec beaucoup de bienveillance ; mais les princes, au nom de la liberté germanique en péril, n’eurent pas les mêmes scrupules. On était d’accord sur ce point à Munich tout comme à Smalkalde. Cette manifestation inquiétante et persistante obligea Charles-Quint à signer la paix de Nuremberg (1532), qui consacrait le sursis et la liberté intérimaire de conscience, en attendant le concile dont le pape, contraint par l’empereur, avait promis la convocation. Les orages ultérieurs auraient été conjurés alors, si les concessions avaient été sincères ; mais elles ne le furent pas : l’empereur dissimulait, gagnait du temps et préparait ses armes.

On devina ses arrière-pensées, et ses relations avec les princes s’envenimèrent. Le landgrave de Hesse recourut de nouveau à la

  1. Voyez Pfister, Histoire d’Allemagne, liv. III, § 4, A, et les recueils allemands de Lünig et de Hortlieder.