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des Champs-Elysées n’a pas reçu beaucoup plus de 2 millions. Est-il téméraire de croire que les recettes n’atteindront pas ce chiffre de 12 millions réunis à Berlin en 1866 dans les premiers jours de la déclaration de guerre à l’Autriche ? L’œuvre internationale est restée jusqu’ici presque inconnue dans un certain nombre de nos départemens, et des villes importantes ne lui ont offert que des dons insignifians. Les appels si émus du comité à la charité publique n’exagèrent en rien l’insuffisance des ressources ; la charpie, le linge, les médicamens, manquent dans beaucoup de villes. Le 9 août, à Strasbourg, on ne savait où trouver les objets les plus indispensables aux premiers pansemens ; j’ai sous les yeux une lettre désespérée, la dernière que j’aie reçue de cette malheureuse ville, où ces faits sont exprimés avec une douloureuse éloquence.

Il serait injuste cependant d’attacher à ces faits une importance qu’ils n’ont pas ; les difficultés que le comité de Paris a rencontrées ont certainement été toutes passagères. Longtemps avant l’Allemagne nous avions dans nos sœurs de charité un corps d’infirmières qui faisait l’admiration de l’Europe, et que les sociétés laïques de femmes formées à l’étranger n’ont point égalé. Si les sommes recueillies n’ont atteint qu’un chiffre relativement assez faible, la cause, en est surtout à une erreur de la bienfaisance privée, qui a versé au trésor public une grande partie des dons qu’elle destinait à nos soldats ; les recettes faites par l’état pour secours à l’armée ont été considérables ; les comités provinciaux sont, il est vrai, trop peu nombreux, mais ceux qu’on a établis ont eu un succès rapide, témoin celui de Compiègne, qui a des associés dans les moindres cantons de l’arrondissement. Enfin, sur un point où je crois que les principes suivis par la section française doivent être modifiés, je veux dire le choix de volontaires payés, je ne puis me dissimuler que le système des salariés a pour lui des autorités sérieuses, et que dans notre ambulance même un certain nombre des hommes enrôlés ont du moins le mérite, que personne ne saurait nier, d’avoir appris dans les hôpitaux à faire des pansemens et à soigner les malades.

Le 29.

Nous arrivons au Chesne. Le village est rempli de troupes comme l’était Attigny l’autre jour. C’est le même aspect ; mais le désordre est plus grand, les habitans se plaignent très haut des exigences des soldats : tout ce que nous entendons est triste. Nous ne savons ce qu’il y a de vrai dans tous ces propos découragés. L’armée n’a pas assez de discipline, les hommes de vingt-cinq à trente-cinq ans