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ou 15 lieues de circonférence autour de Paris. Cette ligne serait inabordable, et Paris n’aurait pu être investi, si l’on avait en temps opportun terminé les travaux suivans : 1° la redoute de Gennevilliers pour défendre le coude de la Seine entre Asnières et Argenteuil ; 2° les redoutes de Montretout près de Saint-Cloud, de Brimborion et des Bruyères près de Sèvres, ainsi que la redoute du château de Meudon, toutes les quatre pour battre des hauteurs et des vallées que le fort du Mont-Valérien ne peut atteindre, et où l’ennemi, caché dans des bois qu’on n’a pas brûlés, se fortifie aujourd’hui tout à son aise ; 3° enfin les redoutes de Châtillon et des Hautes-Bruyères, pour compléter les défenses des forts d’Issy et de Vanves, redoutes dont les combats de Clamart ou de Châtillon, et plus tard ceux de Villejuif, de Chevilly et de Bagneux, les premiers malheureux pour nous au début de l’investissement, les seconds restés presque sans résultat, ont démontré l’entière nécessité.

Pourquoi ces différens travaux, sans doute mis à l’étude dès les premiers jours de la construction des forts détachés, reportés depuis des cartons du génie sur le terrain, n’ont-ils pas été poussés avec plus d’activité lorsque la guerre a été décidée avec l’Allemagne ? Comment a-t-on pu laisser l’ennemi s’en rendre maître, si bien qu’il peut aujourd’hui les retourner contre nous ? C’est qu’il y a eu là, comme en bien d’autres cas, oubli coupable, impardonnable incurie, négligence incompréhensible. Ce n’était pas d’ailleurs au dernier moment qu’il fallait songer à des travaux si importans. Pour des esprits clairvoyans, la guerre entre l’Allemagne et la France devenait presque inévitable à une date plus ou moins rapprochée, dès l’instant où on laissait, en 1863, la Prusse seule vider avec l’Autriche la question du Danemark. En 1866, après Sadowa, la lutte était encore plus imminente ; c’est alors qu’il eût fallu décréter d’urgence la création des forts et des redoutes. « Il faut deux ans pour construire un fort en maçonnerie, » nous disait un officier du génie ; or il y avait deux mois à peine que ces travaux avaient été commencés quand l’ennemi est venu s’en emparer !

Le 18 septembre, la veille de l’arrivée des Prussiens sous Paris, nous visitions la redoute de Brimborion. Le peuple, avec cet instinct qui trompe si rarement les masses, avait déjà déserté Sèvres, et même, de l’autre côté de la Seine, Billancourt et Boulogne, si bien protégés cependant par le Mont-Valérien, par le fleuve, par la ligne des fortifications qui va du Point-du-Jour à Passy. Bien que ces deux villages fussent ainsi à couvert des Prussiens qui s’avançaient vers Paris, ils étaient depuis plusieurs jours entièrement vides. Nous étions presque seul sur la route, personne nulle part, si ce n’est dans les champs quelques retardataires arrachant à la