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Après Sadowa, ce fut pis encore. Ces compensations qu’on n’avait pas su demander avant la guerre, on les demanda sottement après, et l’on se fit refuser. Enfin, et c’est là la cause sérieuse et profonde de la guerre actuelle, on eut la prétention de se poser en adversaire absolu de la constitution de l’unité germanique, sans s’apercevoir que cette opposition de l’étranger servait en Allemagne les projets du cabinet prussien. Cette barrière du Mein, que M. de Bismarck, comparait à une grille dans un ruisseau, on eut la prétention d’en faire une muraille, une digue infranchissable. À partir de ce jour, la guerre fut au fond de la situation, l’Allemagne fut offensée dans son amour-propre, de voir qu’une puissance étrangère avait, la prétention d’intervenir dans le règlement de ses affaires intérieures ; de son côté, la France, qui sentait tout ce que la Prusse avait dû à son impolitique neutralité, se trouvait blessée des refus hautains opposés à ses plus modestes demandes. Ajoutons, pour être juste, que plusieurs membres de l’opposition, sans vouloir la guerre, exagéraient de parti-pris l’humiliation de la France, le préjudice que lui causait l’agrandissement de la Prusse, et tout en ne voulant que nuire au gouvernement, semaient dans les esprits des germes d’irritation qui préparaient la guerre et la rendaient plus facilement acceptable.

Pendant que la France marchait ainsi vers la guerre sans trop s’en douter, la Prusse, obéissant à des rancunes vieilles de plus de soixante ans, y marchait de parti pris, organisait les armées de ses confédérés et les fondait dans les siennes, excitait l’Allemagne contre nous, et, abusant de notre hospitalité, couvrait notre sol d’une nuée d’espions qui, traités comme compatriotes et introduits dans nos familles, venaient en pleine paix, comme des voleurs de nuit, mesurer la hauteur de nos murailles et prendre l’empreinte de nos serrures. L’incident Hohenzollern ne fut que l’étincelle qui mit le feu aux poudres. M. de Bismarck avait eu l’habileté de se faire déclarer la guerre ; en réalité, l’agresseur c’était lui.

Du moment que la France avait adopté une politique qui, par son opposition à la formation de l’unité allemande, rendait la guerre inévitable, il semble que le plus vulgaire bon sens commandait de s’y préparer. La loi sur l’armée fut une concession insuffisante à cette impérieuse ; nécessité. Cette loi, énergiquement défendue par son auteur, le maréchal Niel, fut mal accueillie de tout le monde ; les militaires ne prenaient pas la garde mobile au sérieux. Les populations, qui voyaient la durée du service militaire portée de sept à neuf ans, acceptaient de mauvaise grâce ce qu’elles considéraient comme une aggravation de : charges ; l’opposition, qui ne se doutait pas combien la guerre était imminente et que le