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l’armée qui menace la capitale, devons-nous compter comme en faisant partie les troupes qui sont depuis Mantes jusqu’à Beauvais, et celles que l’on a signalées dans le voisinage de Chartres, attendant ce qui peut venir de l’ouest, et celles beaucoup plus nombreuses encore qui opèrent entre Étampes et Orléans, faisant face à l’armée de la Loire ?

Il est difficile de fixer, même approximativement, le chiffre qu’il conviendrait d’attribuer à chacun de ces chefs de déduction, mais il doit en être absolument tenu compte, et de quelque façon que l’on s’y prenne, on ne saurait arriver à estimer à plus de 300,000 ou 350,000 hommes l’armée qui est sous Paris. Nous ne craignons pas de le dire, c’est tout à fait insuffisant pour faire le siège d’un ensemble de défenses telles que les nôtres, et c’est surtout par cette cause que l’on doit expliquer la réserve des Prussiens ; s’il ne faut pas moins de 200,000 ou 250,000 hommes pour contenir le maréchal Bazaine et pour bloquer Metz sans l’assiéger, qu’est-ce que 300,000 ou 350,000 hommes pour Paris ? Sans doute les troupes dont nous disposons ne sont pas aussi exercées ni aussi bien disciplinées que celles du maréchal, mais elles s’élèvent au chiffre de 450,000 combattans, dont l’instruction se forme et se perfectionne tous les jours ; de plus Paris offre de bien autres ressources matérielles que Metz, et permet de bien autres combinaisons militaires, ne fût-ce que par le développement de ses défenses, qui oblige les Prussiens à occuper tout autour de nous une circonférence d’environ quarante lieues d’étendue, tandis que celle de Metz est quatre fois moindre. En se multipliant par le travail et par l’activité, les Prussiens se montrent un peu partout, et de fait ils ont réussi à établir, moralement au moins, une sorte d’investissement réel, mais les lignes dans lesquelles ils cherchent à nous enfermer ne sont certainement ni serrées ni profondes. Elles ne. peuvent pas l’être, et il est vraiment humiliant pour nous de voir qu’elles ne soient pas plus souvent traversées.

Quoi qu’il en soit, ce blocus, qui devrait être beaucoup moins effectif, est encore presque le seul effet qu’ait produit la présence de l’armée ennemie sous nos murs, et, s’il ne se produit pas quelque circonstance encore imprévue qui permettrait à l’ennemi d’augmenter dans une proportion notable le nombre de ses troupes, cet effet même devra cesser prochainement. Jusqu’ici, la raison nous a conseillé de ne pas hasarder loin du feu des forts nos jeunes troupes, qui sont encore trop peu expérimentées, et presque toutes les fois que nous avons fait des sorties, nous avons vu l’ennemi se dérober, ce n’est même qu’à Choisy-le-Roi qu’il ait tenu dans la journée du 30 septembre ; mais une fois que l’ennemi aurait pris position et dessiné son attaque d’une manière définitive, nous pourrions aller le chercher par des travaux de contre-approche, le prendre corps à corps en lui faisant, la pelle et la pioche à la main, une guerre à laquelle nos soldats sont dès aujourd’hui aussi bien prêts que les siens. Là les nôtres achèveraient leur éducation militaire,