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Le reproche le plus sérieux qui ait été adressé à l’administration des haras concerne les étalons qu’elle met à la disposition des éleveurs. Dès l’an X, Huzard écrivait à ce propos : « Les plus vieux officiers de cavalerie déploraient sous l’ancien gouvernement et avaient entendu déplorer à leurs prédécesseurs la dégénération des chevaux français. Il ne se passait pas une revue, il n’arrivait pas une remonte, on ne voyait pas un escadron à l’abreuvoir sans regretter ces belles formes, ces qualités précieuses et solides des races normande, limousine et autres que l’introduction d’étalons étrangers, particulièrement d’étalons anglais mal assortis et souvent plus mal choisis, a fait presque entièrement disparaître en y substituant des chevaux plus ou moins décousus, moins forts, moins bien traversés, surtout moins libres d’épaules, dont les qualités étaient plus brillantes que solides. »

De notre temps, les croisemens des jumens françaises avec les étalons anglais ont été aussi blâmés ; on a souvent soutenu que l’emploi de ces reproducteurs a détruit les excellentes races de nos provinces. C’est vers 1830 que les étalons de course ont été employés en grand et d’une manière suivie. Dans le principe, ils ont donné en effet de mauvais produits ; même dans les contrées où, en raison de la fertilité des herbages, de la taille de la race et de la conformation de la jument, ils convenaient le mieux, ils ont donné beaucoup de métis à flancs larges, à lombes étroits, trop minces, manquant de dessous, irascibles, souvent décousus, sans valeur ; mais le nombre de ces mauvais chevaux a progressivement diminué. Les deux races se sont fusionnées ; les reproducteurs ont pu être mieux choisis, mieux appareillés, et les éleveurs ont compris qu’ils avaient intérêt à mieux nourrir les mères et les poulains.

On peut regarder aujourd’hui comme une question démontrée l’amélioration par le croisement des races chevalines françaises propres au service de la grosse cavalerie. La race anglaise et la race normande se ressemblent à peu près par la taille et la conformation générale du corps ; elles ne différaient que par des détails secondaires. Le mélange a produit généralement un type intermédiaire qui laisse peu à désirer. D’un autre côté, la fertilité des herbages de l’ouest a permis de placer les métis dans des conditions favorables à leur développement. La race anglaise a des défauts graves au point de vue de l’armée. Elle est très exigeante, demande des soins continus, est peu maniable et fort irascible : plusieurs fois les cavaliers ont été victimes de sa disposition à s’emporter ; ses allures sont allongées, mais avec des réactions dures. Ces défauts du reste sont une conséquence de la nourriture échauffante donnée au cheval de course et du régime de l’entraînement auquel