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à moins qu’ils ne soient à très bas prix ; il en résulte qu’ils se vendent bien rarement ce qu’ils coûtent à produire. L’état devrait se baser ici, comme il le fait pour les autres objets dont il est le seul consommateur, sur le prix de revient.

Ainsi les difficultés que présentent les remontes sont très grandes. Ce n’est pas par des expédiens qu’on peut satisfaire à des besoins aussi étendus que ceux de l’armée, besoins qui se renouvellent sans cesse ; on ne peut attendre de résultats certains que de l’emploi de moyens rationnels. Tels nous paraissent les suivans : favoriser l’usage de chevaux qui puissent servir aux remontes en facilitant l’établissement de voitures publiques, en abolissant les droits imposés aux entrepreneurs de ces voitures, en supprimant le monopole des omnibus dans les villes, afin qu’il s’établisse des compagnies moins riches, qui auront des chevaux moins lourds et plus appropriés aux services de la cavalerie. Les éleveurs de leur côté tendent à rendre leurs chevaux plus légers, et c’est une tendance qui peut être favorisée par l’établissement et l’entretien de bons chemins ruraux, par le perfectionnement des instrumens aratoires, par la transformation des charrettes en chariots à quatre roues, et surtout par les progrès de l’agriculture, l’amélioration des terres peu fertiles et la production d’alimens substantiels, — fourrages, grains et graines, — qui permettent aux contrées pauvres, mais favorables à l’élevage, de bien nourrir leurs animaux. D’autre part, il faudrait renouveler plus souvent les chevaux en faisant des réformes plus fréquentes dans les régimens. Les dépenses qui seraient la conséquence de ces remontes seraient compensées par le produit de la vente de chevaux encore propres à rendre des services et par la diminution des pertes occasionnées par la mortalité.

Une institution qui montre combien la France s’est écartée des principes économiques qui doivent guider la production des chevaux, c’est l’ancienne école des haras. Elle a fonctionné pendant plusieurs années ; on y enseignait à diriger l’administration des haras, les établissemens hippiques de l’état. En réalité, elle avait pour objet d’apprendre à soigner les douze ou treize cents étalons et les quelques jumens que possédait le gouvernement. Pour toutes les professions d’ailleurs, l’état est incapable de former les travailleurs que les populations réclament. Il en forme tantôt plus, tantôt moins qu’il n’en faudrait, et il les forme rarement tels qu’on les voudrait. Que l’état prépare à l’étude des diverses professions par un bon enseignement général, afin de maintenir élevé le niveau des études et de stimuler le zèle des établissemens particuliers par la concurrence, c’est assez pour lui, et nous lui devrons de la reconnaissance, s’il s’acquitte bien de sa mission.