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jarrets coudés, des paturons longs, le dos ensellé, leur donnaient des allures souples, mais plus brillantes que rapides. Les chevaux de l’Ariège, du comté de Foix, de l’Auvergne, quoique très bons, étaient moins renommés ; on leur reprochait de manquer de distinction et de n’avoir pas les aplombs, d’être jarretés ; seulement, disait-on, ils se redressent pendant l’exercice. Forts et sobres, ils faisaient un excellent service même dans les contrées les plus montagneuses.

Les défauts des chevaux des anciennes races de selle, — peu de distinction et surtout manque de taille, — n’excluaient donc pas les qualités solides. Pendant les guerres de la première république et de l’empire, on a pu les apprécier. De l’avis d’hommes compétens qui ont pu comparer les races chevalines françaises aux autres races européennes, le cheval français, soigné comme il doit être, est plus dur et supporte mieux la fatigue que le cheval allemand. « S’il était besoin d’un exemple, dit l’un d’eux, je rappellerais aux vainqueurs d’Iéna et d’Auerstadt l’état dans lequel ils ont trouvé les chevaux de la cavalerie prussienne à Preuzlow, à Passewalck et à Lubeck. Cette cavalerie avait à peine fait une campagne de trois semaines, elle n’avait pas souffert dans ses fourrages, les grandes plaines lui avaient offert dans cette saison des ressources abondantes ; eh bien ! quelques marches forcées, l’absence des soins de la garnison, avaient réduit ces chevaux à l’état le plus déplorable ; il n’y eut que les chevaux polonais, prussiens et moldaves qui résistèrent. La victoire s’était chargée de la remonte des régimens français. Les cavaleries autrichienne, prussienne, hanovrienne, hessoise, sarde, espagnole, avaient cédé leurs chevaux et abandonné aux vainqueurs toutes les ressources de leurs provinces conquises ou envahies. » Après ces victoires, que nous payons si cher aujourd’hui, la comparaison avait donc pu être faite sur la plus grande échelle. La conclusion qu’en a déduite un officier qui avait été à même d’étudier la question en France et à l’étranger est utile à connaître. « Toutes les remontes de la Bretagne, des Ardennes et de la Creuse ont presque seules résisté aux désastres de la campagne de Russie. Les chevaux de ces pays sont restés au milieu des ruines des armées de toute l’Europe, comme pour attester l’excellence de leur race et répondre aux détracteurs des chevaux français. »

Le témoignage des étrangers est également favorable à notre production chevaline d’alors. « Je ne conçois pas, disait lord Pembroke à Bourgelat, quelle est la fureur que les Français ont pour nos chevaux, quand je vois vos belles races normande, limousine, navarrine, etc. » Le manège de ce grand seigneur était monté en chevaux français.