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réunisse une tête carrée comme celle du taureau, courte, forte au sommet et fine à l’extrémité, des naseaux larges comme la gueule du lion : des naseaux dilatés accompagnent toujours un chanfrein épais et des voies aériennes spacieuses ; ils sont donc l’indice d’un grand développement des organes respiratoires. Toutes les parties dans un être organisé se correspondent ; l’examen d’un organe permet de juger d’un appareil, et par l’examen d’un appareil on peut juger de tout l’organisme. La tête longue et busquée, le chanfrein étroit du cheval normand d’autrefois, expliquaient sa prédisposition au cornage. Quoi qu’il en soit, en croisant le cheval normand avec le cheval de course, qui a la tête carrée, l’encolure droite et la croupe horizontale, l’amélioration en a été aussi facile qu’elle sera durable. Les éleveurs ont ainsi transformé un cheval dont les connaisseurs ne voulaient plus en un beau type des plus estimés qui joint aux précieuses qualités de fond de la race normande l’ampleur des voies respiratoires, la bonne direction de la croupe, aussi avantageuse au point de vue de la résistance et de la force qu’à celui de la vitesse.

C’est par l’étude de la Normandie que l’on peut se former une idée de notre richesse en chevaux propres à la grosse cavalerie. Il y a dans la province trois centres de production. Le plus anciennement connu est situé dans les riches herbages des arrondissemens de Bayeux, de Valogne et de Saint-Lô. Toutes les conditions hygiéniques nécessaires pour faire acquérir au cheval les qualités les plus désirables se trouvent réunies dans cette contrée : sol fertile, pâturages excellens, climat maritime, c’est-à-dire doux, tempéré, sans variations trop sensibles et trop subites, et qui permet d’abandonner presque la production aux seules forces naturelles. C’est le berceau de la race cotentine, race qui a joui dans le siècle dernier d’une réputation méritée, et qui a été conservée par beaucoup d’éleveurs, alors même que d’autres parties de la Normandie modifiaient leur type par le croisement. Une variété de la race cotentine, à robe grise, était appelée race du sacre, parce qu’elle fournissait les attelages employés pour les cérémonies de la royauté, les fêtes d’apparat ; mais le vrai type cotentin était noir avec des balzanes, ou bai. Beaucoup de chevaux de la nouvelle race normande, des métis anglo-normands, ont hérité de la taille, de la corpulence, de la robe et de la douceur de caractère qui distinguait le type indigène.

Le second centre de production est plus moderne ; il se trouve à l’est du département du Calvados, dans les riches vallées d’Auge, dans ce pays expansif où l’on voit pousser, pourrait-on dire, plantes et animaux. Autrefois on y élevait des chevaux de gros trait et on y engraissait des bœufs ; aujourd’hui on y nourrit aussi de belles poulinières propres à donner des chevaux pour le carrosse et pour