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acceptable, la peau servait à confectionner des embarcations. La chasse à la rytina s’est effectuée sans relâche, sans le moindre ménagement, et le précieux cétacé a été totalement détruit ; le dernier individu vivant a été pris en 1768.

Les rytines, couvertes d’une peau nue, rugueuse comme l’écorce d’un chêne et de couleur noire, avaient une moustache dont les poils égalaient en grosseur le tuyau d’une plume de pigeon. Ces animaux inoffensifs se plaisaient en troupes, les jeunes confondus avec les adultes, et souvent on voyait un mâle et une femelle cheminer ensemble, accompagnés de leurs petits. Les rytines se tenaient en général dans les endroits sablonneux très peu profonds, et surtout dans le voisinage des rivières. Elles se nourrissaient de différentes plantes marines, affectant néanmoins une prédilection pour une espèce particulière de fucus. On observait fréquemment ces animaux qui broutaient en nageant avec lenteur ou en se traînant sur le fond, un pied après l’autre, comme des bœufs au pâturage. Une fois bien repus, ils venaient au rivage se coucher sur le dos. Parfois pendant l’hiver des rytines se trouvaient emprisonnées sous la glace, et, faute de pouvoir respirer, elles mouraient, et plus tard les corps étaient rejetés sur la côte. Ceci explique comment il a été facile de recueillir, même de nos jours, un grand nombre d’os du cétacé herbivore de Bering. Tout ce que nous savons de l’histoire de cet animal nous a été transmis par un mémoire du médecin-naturaliste Steller, publié en 1751. Steller avait accompagné le commandeur Bering dans son voyage au nord-ouest de l’Amérique. Après le naufrage du navire, suivi de la mort du chef de l’expédition et de la plupart des hommes de l’équipage, il était resté sur les îles auxquelles a été attribué le nom du navigateur russe, jusqu’au moment où les marins échappés au désastre eurent construit avec les débris du vaisseau une embarcation qui permit de gagner le Kamtschatka. Dans ces derniers temps, les zoologistes russes ont fait toutes les tentatives imaginables pour retrouver la rytine de Steller ; mais les plus laborieuses recherches ont été vaines. On a simplement réussi à se procurer des os de l’animal, et en 1861 les savans de Saint-Pétersbourg, de Moscou, d’Helsingfors, ont eu la joie de recevoir des squelettes presque complets qui étaient adressés par le gouverneur des possessions russes de l’Amérique, ce qui a donné lieu de la part de MM. Brandt et Nordmann à d’importantes études sur l’ostéologie du remarquable cétacé.


II

Les oiseaux ont éprouvé des pertes bien autrement considérables que les mammifères ; différentes espèces remarquables au plus haut