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le cerf à bois gigantesque (Cervus megaceros), nommé aussi l’élan fossile d’Irlande, un animal de la taille de l’élan ordinaire avec la forme générale du cerf et des bois énormes offrant une envergure de plus de 3 mètres. Des débris de ce magnifique cerf ont été trouvés dans des terrains meubles de la France, de l’Angleterre, de l’Italie, de l’Allemagne, de la Pologne. Néanmoins c’est principalement en Irlande qu’on rencontre les restes de ce bel animal, sous des lits de tourbe dont la formation, suivant toute probabilité, ne remonte pas à une époque très reculée. Par suite de cette circonstance, les naturalistes sont disposés à croire que le cerf à bois gigantesque a dû vivre bien longtemps après l’extinction des grands pachydermes. Dans ces dernières années, on a découvert des ossemens de cette espèce en si grande quantité, que des squelettes entiers ont pu être reconstruits.

Si l’existence de l’élan d’Irlande est déjà trop ancienne pour avoir été l’objet d’une mention historique, il n’en est pas ainsi du grand bœuf sauvage d’Europe, le Bos primigenius des naturalistes, un animal dont les dimensions dépassaient d’un tiers celles de nos bœufs domestiques. Ce ruminant a laissé des débris en abondance dans le fond des cours d’eau, dans les alluvions, dans les tourbières, dans les cavernes. Comme le bison, qui a survécu, il habitait encore les forêts de l’Europe centrale, il y a moins d’un Müller d’années. Le fait est attesté par les écrits des vieux auteurs. César n’a pas connu le bison, mais il a décrit en traits saisissans les bœufs sauvages de la forêt hercynienne, qu’on appelle du nom d’Urus. « Ils ont, dit le conquérant romain, une taille peu inférieure à celle des éléphans ; par l’aspect, par la couleur, par les formes, ils ressemblent au taureau. Rapides à la course et doués d’une grande force, ils n’épargnent ni les hommes ni les bêtes qu’ils aperçoivent. On les prend dans des fosses préparées avec art. Les jeunes gens s’endurcissent à la fatigue en s’exerçant à la chasse de ces animaux. Ceux qui en tuent plusieurs, comme en rendent témoignage les cornes apportées en public, reçoivent de grands éloges. Les Urus ne peuvent être ni adoucis ni accoutumés à la vue de l’homme, même quand on les a pris tout jeunes. Les cornes de ces animaux diffèrent beaucoup de celles de nos bœufs par l’ampleur, la forme et l’aspect. Elles sont très recherchées des habitans, qui les entourent sur le bord d’un cercle d’argent et s’en servent comme de coupes dans les grands festins. »

Les deux espèces bovines de la vieille Europe sont clairement désignées dans des vers de Sénèque : les bœufs sauvages aux larges cornes (Uri) et les bisons au dos velu. Pline fait la même distinction entre les bœufs sauvages de la Germanie : les bisons qui ont une crinière et les Urus, remarquables par leur force et leur vélocité,