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grands phénomènes physiques ont été accomplis à la surface de la terre, peu d’animaux ont disparu. Quelques grandes espèces seules ont été anéanties, et l’homme est l’unique auteur de cet anéantissement regrettable. On a pensé que les espèces, comme les individus, étaient destinées à périr. Il serait difficile de se former une autre opinion en considérant les débris des êtres qui ont vécu aux différentes périodes géologiques ; mais, si on examine le monde actuel, on est conduit à n’admettre cette croyance que dans l’hypothèse de nouvelles perturbations venant à se produire sur notre globe.


I

Lorsque l’Europe centrale, presque entièrement abandonnée à la nature, était couverte d’immenses forêts, et que les habitans étaient clair-semés, les animaux trouvaient peu d’obstacles à leur propagation. Les grandes espèces, bien rares de nos jours, étaient communes dans une foule de localités. Les aurochs, les bœufs sauvages, les élans, les cerfs, erraient en troupes nombreuses, n’ayant à redouter que les espèces carnassières, et particulièrement les ours et les loups. Les hommes en se multipliant changèrent l’état du pays ; ils pourchassèrent les animaux, et quelques-unes des espèces les plus remarquables, pouvant être facilement atteintes, disparurent bientôt. L’aveugle cupidité et l’amour de la destruction qui anime les gens peu cultivés ont causé la perte d’animaux capables de fournir de précieuses ressources.

Malgré tout, le nombre des mammifères complètement anéantis depuis les derniers changemens considérables survenus dans les climats de l’Europe est peu considérable. Il est démontré aujourd’hui que l’homme existait déjà pendant l’époque où les éléphans vêtus d’une épaisse toison (Elephas primigenins), où les rhinocéros, l’ours et l’hyène des cavernes vivaient dans nos contrées, où les rennes étaient abondamment répandus sur notre sol. Des milliers d’ossemens recueillis à côté d’une infinité d’objets façonnés en ont fourni des preuves irrécusables ; mais la disparition des éléphans et celle de plusieurs autres espèces doivent être attribuées surtout à des causes physiques, et nous n’avons pas à nous en occuper en ce moment, même quand il s’agit d’une destruction partielle. En effet, divers animaux, éteints dans certaines parties du monde sous l’influence des circonstances atmosphériques, ont continué à vivre dans des régions soumises au climat qui leur convenait. Le renne, dont la distribution géographique était immense durant la période glaciaire, en est l’exemple le plus frappant.

Un très grand mammifère dont l’existence n’est révélée par aucune tradition doit cependant avoir été détruit par l’homme : c’est