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lorsque la reine d’Angleterre, fatiguée des obstacles qu’elle rencontrait, proposa un expédient qui ne fut pas accepté : c’était que Philippe V abandonnât l’Espagne et les Indes au duc de Savoie, le client protégé de la reine, qui abandonnerait à Philippe V ses états héréditaires, auxquels on aurait joint le Montferrat et le Mantouan. La Sicile, Naples et les états de Savoie auraient ainsi formé une royauté italienne qui serait restée au pouvoir de Philippe V dans le cas où la succession de France lui serait échue, et les états de Savoie auraient été en ce cas regardés comme provinces de France. En échange, la monarchie espagnole aurait été définitivement acquise à la maison de Savoie, et l’Angleterre faisait remarquer que, si la France y perdait quelque sécurité de voisinage du côté des Pyrénées, elle en serait dédommagée par la sécurité de sa barrière des Alpes. Ces propositions étaient en cours de communication au mois de mai 1712. Louis XIV et M. de Torcy engageaient Philippe V à y souscrire ; mais ce dernier, qui probablement nourrissait l’arrière-pensée de cumul qui s’est produite plus tard, sous la régence, refusa de les accepter. Il ne voulait pas, disait-il, faire un affront à un peuple qui depuis dix ans versait son sang pour lui sur les champs de bataille, et il préféra renoncer nettement à ses droits sur la couronne de France ; il ajoutait qu’en cela même il agissait en bon Français. Cette décision parut un triomphe à la diplomatie anglaise.

Aussitôt qu’elle fut notifiée à lord Bolingbroke, il s’empressa de la faire connaître au parlement par une communication officielle du 17 juin, où la reine disait que le principal motif pour lequel on avait commencé cette guerre avait été l’appréhension que l’Espagne et les Indes occidentales ne fussent unies à la France…., que les dernières négociations avaient suffisamment fait voir combien il était difficile de trouver les moyens d’accomplir cet ouvrage, qu’elle n’avait pas voulu se contenter de ceux qui étaient spéculatifs, mais qu’elle avait insisté sur le solide. « Je puis donc vous dire, ajoutait-elle, que la France en est enfin venue à promettre que le duc d’Anjou (Philippe V) renoncera, tant pour lui que pour ses descendans, à toute sorte de prétention sur la couronne de France, et afin que cet article important ne coure aucun risque, l’exécution doit accompagner la promesse. Il sera donc déclaré que le droit de succéder à la couronne de France, immédiatement après la mort du présent dauphin et de ses enfans, s’il en a, sera dévolu au duc de Berry, puis au duc d’Orléans et à ses fils, et de même au reste de la maison de Bourbon. Pour ce qui regarde l’Espagne et les Indes, la succession de ces états, après le duc d’Anjou et ses descendans, doit descendre à tel prince dont il sera convenu par le traité, en excluant à jamais le reste de la maison de Bourbon…