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de Louis XIV à Gertruydenberg, où il fut fort remarqué[1]. Il avait rédigé cette énergique protestation qui fit alors une sensation non oubliée, et qu’on peut lire dans les mémoires du temps. Quant à M. Mesnager, la manière dont il avait rempli sa mission à Londres lui avait acquis la confiance du roi. Louis XIV remit à ces messieurs, pour leur servir d’instruction, un long mémoire qui est un chef-d’œuvre de politique et de rédaction diplomatique. Nous y lisons, en ce qui concerne les Pays-Bas, ces lignes qui nous livrent le secret de la négociation et de la politique de Louis XIV. « Ce qui regarde les intérêts et la satisfaction de l’électeur de Bavière mérite d’autant plus de considération qu’outre l’affection particulière dont le roi honore ce prince, sa majesté est engagée par les traités faits avec lui à le dédommager de ses pertes, et le poids en tomberait sur elle, si la cession que le roi d’Espagne lui a faite des Pays-Bas n’avait pas lieu, ou s’il était impossible de trouver quelque autre moyen de lui procurer une satisfaction convenable. La première à demander est qu’il soit rétabli dans ses états, dans sa dignité et dans son rang de premier électeur, que la cession que le roi catholique lui a faite des Pays-Bas subsiste et qu’elle soit exécutée, aux conditions marquées pour la satisfaction des Hollandais. Plus il sera puissant, plus il assurera leur barrière ; mais, s’ils pensent différemment, les susdits plénipotentiaires proposeront que les Pays-Bas lui soient laissés aux mêmes conditions, et que la Bavière, avec la dignité électorale, soit donnée au prince, son fils aîné, dont on ferait le mariage avec l’archiduchesse fille aînée du feu empereur Joseph. Ils proposeront encore de rétablir l’électeur de Bavière dans la possession de ses états, de sa dignité et de son rang, et de lui conserver les deux provinces de Luxembourg et de Namur, dont il est présentement en possession. Ces propositions épuisées, si les Hollandais s’opposent constamment aux avantages de l’électeur de Bavière, et si même il ne reste aucune espérance d’obtenir pour lui la restitution de son pays, autrement que démembré, les susdits plénipotentiaires proposeront, comme un dernier expédient, d’obliger l’archiduc à céder à ce prince le royaume de Naples en échange de la Bavière, que l’électeur céderait à la maison d’Autriche. Elle deviendrait certainement bien puissante en Allemagne, si elle unissait encore cet état aux pays héréditaires, et cette acquisition serait plus avantageuse et plus solide pour elle que la conservation douteuse du royaume de Naples. Moyennant la cession du royaume de Naples à l’électeur de Bavière, il remettrait, outre son électorat, les

  1. Voyez, sur l’abbé de Polignac, l’étude de M. Topin, dans son ouvrage : L’Europe et les Bourbons sous Louis XIV ; Paris 1867, in-8o.