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M. de Torcy un mémoire détaillé des conditions auxquelles la France désirait la paix. Tout cela se passait du mois de janvier au mois d’avril 1711. M. de Torcy était trop avisé pour se commettre inconsidérément ; sa réponse fut très circonspecte, elle portait simplement que le roi offrait de traiter de la paix sur la base des conventions suivantes : 1° que les Anglais auraient des sûretés réelles pour exercer désormais leur commerce en Espagne, aux Indes et dans les ports de la Méditerranée ; 2° que le roi consentait à former dans les Pays-Bas une barrière suffisante pour la sûreté de la république de Hollande, barrière qui serait au gré de la nation anglaise : le roi promettait également des avantages pour le commerce des Hollandais ; 3° qu’on chercherait sincèrement les moyens raisonnables de satisfaire les alliés de l’Angleterre et de la Hollande ; 4° que la monarchie espagnole serait maintenue au pouvoir du roi Philippe V avec des satisfactions convenables pour les puissances confédérées ; 5° que des conférences pour traiter de la paix sur ces bases seraient incessamment ouvertes, et que les plénipotentiaires du roi y traiteraient avec ceux de l’Angleterre et de la Hollande, seuls ou conjointement avec ceux de leurs alliés, au choix de l’Angleterre. Cette note était datée de Marly le 22 avril 1711, elle fut communiquée par lord Bolingbroke à lord Raby, ambassadeur d’Angleterre auprès des états-généraux, avec ordre d’en donner connaissance discrètement au grand-pensionnaire Heinsius, mais point au duc de Marlborough. Heinsius s’y montra fort peu favorable, les autres députés hollandais furent moins hostiles ; mais le comte de Sinzendorf, ambassadeur de l’empereur, en ayant eu confidence, en témoigna beaucoup d’humeur.

Le 17 de ce même mois, un autre événement venait d’arriver, inattendu autant qu’heureux pour les destinées de la France. L’empereur Joseph Ier, fils et héritier de l’empereur Léopold, était mort, jeune encore, sans laisser d’enfans. Son frère, l’archiduc Charles, celui que la coalition reconnaissait comme roi d’Espagne sous le nom de Charles III, lui avait succédé dans les états héréditaires de la maison d’Autriche, et le remplaça quelques mois après dans la dignité impériale sous le nom de Charles VI. Il s’ensuivait ainsi qu’après des efforts inouïs la guerre allait aboutir, si la coalition triomphait, au résultat que l’Angleterre et la Hollande avaient toujours repoussé, le rétablissement de la monarchie de Charles-Quint. On avait voulu empêcher que Louis XIV ne gouvernât l’Espagne, l’Amérique, les Pays-Bas, la Lombardie, le royaume de Naples et de Sicile sous le nom de son petit-fils ; allait-on réunir tant d’états sous la domination de l’empereur d’Allemagne, déjà si puissant par la possession des états héréditaires d’Autriche ? Était-ce