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que produit depuis longtemps la force excessive, de Paris. Jusque-là, suivant eux, « les provinces pouvaient au moins se dire qu’au jour où la France serait menacée, elles retrouveraient les avantages dont notre système administratif les avait dépouillées, et qu’elles reconquerraient par leur courage et par leur importance militaire les prérogatives dont elles avaient été successivement, dépouillées. Les fortifications devaient leur enlever ce dernier espoir par l’importance exagérée qu’elles attribuaient à la défense de Paris. » Chacun sait quel démenti les événemens se chargent de donner à cette prédiction au moment même où nous retraçons ces débats. Sans la résistance de la capitale, quel eût été le sort des débris épars de nos armées, recevant aux extrémités du territoire la nouvelle de la catastrophe de Sedan ? Sans lien et sans chef, sans organisation et sans moyens de défense, nos bandes dispersées auraient été impuissantes, et l’énergie des départemens soulevés se serait brisée devant l’impossibilité de profiter à temps de l’élan de la France. Si la province se lève, comme on le sait, pour participer à la délivrance nationale, elle aussi devra se souvenir avec reconnaissance des fortifications de Paris, sans lesquelles, ses forces eussent été vaines et son ardeur inutile. En 1840, on ne pouvait répondre à cet ordre de critiques que par l’expression d’une conviction profonde. Personne ne lui donna une formule plus prophétique que M. de Rémusat, déclarant que, « Paris fortifié, les provinces seraient glorieusement condamnées à défendre aussi la France. »

Des malheurs les plus grands, peuvent sortir des bienfaits inattendus. La centralisation avait fait déserter les campagnes et affaibli l’initiative des villes ; elle avait créé contre Paris une défiance envieuse, en revanche Paris, ressentait trop aisément un dédain injurieux pour les habitans des provinces. De la guerre de 1870 pourra dater une ère de paix et d’estime mutuelle. Si Paris résiste, il le doit bien un peu à l’élan de la province, déjà représentée dans ses murs par sa vaillante garde mobile. Si la province sauve la France, elle en devra les moyens à la résistance de Paris. Ainsi, loin d’établir l’oppression de la capitale, la guerre aura mis le sceau à l’union indispensable de toutes les parties de notre territoire.

À l’extrémité opposée de la chambre, les adversaires de la loi se bornaient à diriger leurs attaques contre le système adopté ; sous la plume des écrivains de l’opposition avancée, les forts étaient devenus un épouvantail qui avait semé la terreur dans certaines parties de la population[1]. En 18331 quelques légions de la garde nationale avaient fait écho à la foule en criant : À bas les forts détachés ! Depuis cette époque, on n’avait pas cessé de les

  1. Voyez entre autre un article de la Tribune, Moniteur du 3 avril 1833, p. 932.