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et appuyée. Les antécédens de la question en étaient la preuve la plus manifeste. C’est au moment où la France épuisée par deux invasions se relevait de ses ruines qu’au sein d’une paix profonde, non comme une menace, mais comme une défense, l’illustre maréchal qui avait assumé la charge de réparer nos désastres avait eu la hardiesse de reprendre la pensée de Vauban. Il était facile de montrer que, depuis 1830, le gouvernement n’avait pas cessé de soutenir une politique de paix, en dirigeant toujours ses efforts vers la défense nationale.

Cette vérité éclatait de toutes parts : les émotions passagères du traité de Londres ne doivent pas obscurcir à nos yeux le caractère véritable des relations extérieures dans cette longue période de calme que la France a connue entre les deux empires. Sous la restauration, l’immobilité pouvait être encore une suite douloureuse de l’épuisement général ; mais un élan national avait fait naître le gouvernement de juillet comme une revanche et non comme un défi ; sa première mission était d’accroître l’armée et de parler à l’Europe un langage à la fois noble et pacifique. Nous avons perdu depuis quelques années la notion de ces conduites prudentes où la franchise des déclarations recouvre les intentions les plus loyales. Le droit et l’honnêteté publics sont à refaire. On voulait alors une longue et profonde paix, on savait la rendre digne et fière. On arrêtait les menaces de l’Autriche en occupant Ancône ; on fondait malgré la Prusse, en présence de l’Europe étonnée, le royaume de Belgique, aujourd’hui le dernier et bien précieux vestige de cette politique prudente qui entourait nos frontières d’une ceinture d’états constitutionnels créés à l’image de nos institutions et capables au jour du péril de nous couvrir de leur neutralité persistante.

En 1840, le souffle de cette politique de paix avait parcouru l’Europe. La confédération germanique, créée pour la défense, couvrait ses frontières du Rhin d’obstacles qui n’avaient rien d’agressif. Toute la politique allemande était dirigée vers ce but. L’Europe assistait à une réaction puissante contre la folie des invasions. Le gouvernement ne faisait que consacrer la politique qui, grâce à lui, prévalait sur tout le continent.

En résumé, les fortifications de Paris accrurent la force de la France en montrant qu’aucun sacrifice ne lui coûtait pour sa défense : elles achevèrent de fermer les blessures ouvertes par deux invasions, et relevèrent par l’immensité de l’effort le prestige de l’honneur national. Parmi les députés qui votèrent avec le plus de conviction cette grande mesure, combien en était-il qui en attendissent un plus grave résultat ? Les guerres que leur pensée pouvait raisonnablement entrevoir n’étaient pas de celles qui renouvellent à un demi-siècle de distance les désastres inouïs du premier empire.