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vaillans efforts de la France, n’avait jamais perdu la mémoire de l’audacieuse campagne terminée par Valmy et Jemmapes. Sa pensée se reportait souvent vers les terribles émotions qui avaient précédé ces victoires ; rarement il en parlait sans insister sur la nécessité de fortifier Paris. Un des confidens les plus autorisés de la pensée intime du roi Louis-Philippe nous a fait connaître une des conversations du prince peu après la révolution de juillet. « Que de fois, disait-il à M. de Montalivet, que de fois en 1792, dans les plaines de Champagne et de Belgique, le lendemain même des combats qui nous consolaient par la victoire des douloureuses nouvelles de Paris, j’ai songé avec amertume qu’une bataille malheureuse amènerait bientôt sous ses murailles les armées étrangères, qui les trouveraient sans défense ! En 1814, j’insistai près de Louis XVIIIen lui démontrant qu’après la constitution qu’il venait de donner au pays il ne pouvait rien faire de plus national et de plus populaire que de rendre le cœur de la France invulnérable en plaçant Paris sous la protection d’une enceinte d’ouvrages défensifs. En 1817, je renouvelai mes instances avec plus de succès ; le maréchal de Gouvion Saint-Cyr, après avoir rendu une armée à la France, aurait sans doute créé la défense de Paris, si son ministère n’eût été de si courte durée. Depuis j’en ai parlé en vain jusqu’en 1830. Aujourd’hui que je suis devenu pair la royauté le premier défenseur de l’indépendance nationale, je fais appel à tous les citoyens de bonne volonté pour m’aider à lui donner cette garantie puissante[1]. »

Tel tétait le langage viril qu’entendaient tour à tour les ministres, les députés et tous ceux à qui, au Palais-Royal et plus tard aux Tuileries, Louis-Philippe se plaisait à communiquer sa pensée. Parmi les témoins de ces conversations brillantes, bien peu se sentaient portés à devenir les défenseurs d’un projet que la plupart considéraient comme une ruineuse chimère ; mais le roi n’était pas disposé à se décourager. Il était résolu à y mettre cette obstination patriotique qui ne s’arrêtait devant aucun obstacle quand le devoir lui semblait évident. La paix était la pensée principale de son règne ; les fortifications devaient être, selon lui, un des meilleurs instrumens de cette politique en assurant la sécurité et la dignité de la France.

Dès le mois de novembre 1830, le comité des fortifications fut consulté ; il donna un avis favorable, et le 9 décembre le maréchal Soult annonçait la résolution du gouvernement d’élever des fortifications pour la défense de Paris par une série de dépêches adressées à M. de Montalivet, ministre de l’intérieur, au préfet de la Seine, M. Odilon Barrot, et au général de Valazé, chargé de la direction

  1. Rien ! Dix-huit années de gouvernement parlementaire, par M. le comte de Montalivet ; Paris. Lévy, 1864.