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forte, le petit nombre de gardes mobiles qui fussent armés et équipés, y joindre les forestiers, les pompiers, les gendarmes, les volontaires, envoyer à Châlons le reste de la jeunesse valide et attendre l’ennemi avec résignation. C’est ce qui se fit en effet. Le premier jour, Nancy eût pu subir plus fièrement ce sort inévitable. Il valait mieux pour l’honneur de la ville ne pas accepter les sommations de quatre uhlans, ces quatre uhlans fussent-ils les délégués de 30,000 hommes : une cité de 50,000 âmes, même ouverte et désarmée, ne traite ni avec quatre hommes, ni avec un officier subalterne. Elle peut, sans courir aucun risque, déclarer qu’elle attendra pour entrer en négociations des forces plus considérables et des chefs d’un grade plus élevé. On l’a vu par de récentes expériences.

Les reproches adressés à Nancy ont profité à d’autres villes, qui exigent maintenant, avant de négocier, la présence réelle d’un corps de troupes non à leurs portes, mais, dans leurs murs, sur leur place principale. Il faut dire du reste à la décharge de Nancy qu’elle se trouvait la première sur le passage de l’ennemi, et que le départ de toutes les autorités, de toutes les forces militaires, y répandait une panique générale. Depuis ce premier jour de surprise, la population a, par la dignité de son attitude, témoigné de la virilité de ses sentimens. tous ont fait leur devoir, un seul homme excepté, l’ancien préfet de la Meurthe, qu’une partie de l’opinion, avec sa légèreté habituelle, s’est d’abord trop pressée d’accuser, pour l’absoudre ensuite sans plus de fondement. M. Podevin se défend très bien de certains reproches qu’on lui adresse ; mais il ne se défend pas du plus sérieux de tous, il ne se justifie pas d’être resté préfet de la Meurthe sous l’autorité d’un commandant prussien. Il appartient malheureusement à cette classe si nombreuse en France de fonctionnaires administratifs qui ne savent pas quitter leurs fonctions, qui attendent que leurs fonctions les quittent, qui, après avoir travaillé de tout leur cœur au succès du plébiscite et des candidatures officielles, se dévoueraient avec le même zèle à la défense des institutions et des candidats qu’ils ont combattus. Le gouvernement peut changer, eux ne changent pas, ils restent toujours les serviteurs du gouvernement. Après avoir administré au nom de l’empereur, M. Podevin administrait sans embarras au nom du prince royal de Prusse ; il apposait son nom au bas d’une ordonnance prussienne affichée sur tous les murs de Nancy, et dont le texte restera un document historique. Le devoir strict au contraire, le devoir impérieux était de déclarer le jour même de l’entrée des Prussiens qu’il n’y avait plus de préfet de la Meurthe, que l’administration ne pouvait accepter aucun rapport avec l’ennemi, que les fonctionnaires du gouvernement français