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législation fiscale est un obstacle sérieux aux aliénations d’immeubles ; elle les grève d’un droit proportionnel qui, en principal et accessoires, excède 6 pour 100. Il est vrai que cet impôt est mis par la loi à la charge de l’acquéreur ; mais, lorsque l’acquéreur s’éloigne, le vendeur souffre de la taxe, qui lui rend la vente plus difficile. Croit-on d’ailleurs que l’acheteur ne cherchera pas à rejeter les droits de mutation sur l’autre partie en diminuant ses offres ? Peut-être n’y pensera-t-il pas toutes les fois que, l’objet de la vente étant petit, la somme à payer sera insignifiante ; mais sur un prix de 100,000 fr. l’acheteur tiendra compte des 6 à 7,000 francs que la régie peut exiger. Dans l’intérêt de l’agriculture, un gouvernement sage n’a donc rien de mieux à faire que de réduire les droits de mutation sur les ventes d’immeubles. Cela est possible en remaniant les tarifs de manière à retrouver la réduction sur d’autres articles.

L’idée la plus pratique en matière de crédit agricole, c’est à notre avis la fondation de magasins généraux où les denrées pourraient attendre un moment opportun pour la vente. Le propriétaire, ayant besoin d’argent, ne serait pas réduit à s’en procurer par des aliénations qui coïncideraient avec la dépression des cours. Il n’aurait qu’à céder au prêteur son billet de dépôt pour transmettre la propriété, ou qu’à livrer le titre au créancier pour lui donner l’assurance que les marchandises ne seront pas détournées. Le gagiste en effet n’aurait pas à s’en inquiéter, puisqu’elles seraient sous la surveillance des préposés. Ces entreprises méritent d’être facilitées, même encouragées à proximité de tous les marchés importons. Elles rendraient des services non-seulement au crédit, mais aussi à la conservation des grains et boissons. Au lieu de petits greniers où les mesures de conservation ne pourraient être prises qu’imparfaitement, au lieu de caves mal exposées, mal appropriées à la nature des liquides, on pourrait avoir des locaux bien installés, où chaque pièce serait organisée et distribuée suivant la destination. Des hommes doués de connaissances techniques ont à la vérité déclaré dans l’enquête agricole que l’accumulation dans de grands magasins détermine promptement un échauffement et une fermentation qui sont propres à détériorer des blés. D’abord ce danger n’existe que pour les céréales, et il n’aurait point pour les blés eux-mêmes les inconvéniens indiqués, si on avait des magasins assez vastes pour prévenir les causes d’altération. Jusqu’à présent, les magasins généraux n’ont été utilisés que par des spéculateurs sur les blés, les vins et les eaux-de-vie ; ceux qui ont été fondés ne peuvent même servir qu’à cette clientèle, parce qu’ils ont été établis près des grands marchés. Un jour viendra où, soit par l’effet de l’initiative privée, — ce qui serait à désirer avant tout, —