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perte de l’année de votre majesté. J’ai eu l’honneur de lui mander que le marquis de Coigny a reçu l’ordre, le moment après l’action, d’aller sur l’Oise. »


Cette dépêche montre bien quelles étaient les préoccupations de Versailles pour la vallée de l’Oise qu’ouvrait Landrecies, quels étaient les ordres de la cour pour débloquer cette place à tout prix, et combien Villars a dû prendre sur lui pour se porter brusquement sur Denain, sans ordre nouveau du roi. Cette dépêche du 25 est la démonstration de la détermination spontanée du maréchal de Villars.

Le maréchal n’a point envoyé de relation officielle de la journée de Denain. Il se contenta d’écrire, avec un peu d’humeur peut-être, les deux dépêches qu’on vient de lire, et d’expédier au roi l’un de ses plus intelligens officiers-généraux, le marquis de Nangis, pour en exposer tous les détails. Il n’existe donc pas au dépôt de la guerre de rapport de Villars sur la bataille, et il est à remarquer qu’aux archives de Vienne, et dans les papiers du prince Eugène, il n’existe pas non plus de rapport spécial du général autrichien sur l’affaire de Denain. Ce n’est même que dans un post-scriptum de quelques lignes que le prince Eugène en a donné la nouvelle à sa cour[1].

À défaut du rapport officiel de Villars sur la journée de Denain, nous avons une dépêche du roi répondant aux lettres du maréchal des 24 et 25 juillet, laquelle pourrait tenir lieu du rapport lui-même, car le roi s’y plaît à retracer tous les détails de l’action qui lui ont été donnés par M. de Nangis. De cette dépêche, comparée avec le récit qu’on lit dans les Mémoires de Villars, publiés, comme on sait, par Anquetil d’après les notes, rédactions partielles et documens de tout genre laissés par le maréchal[2], on peut tirer une relation qui sera l’expression de la vérité, puisqu’elle est appuyée par toutes les pièces justificatives conservées au dépôt de la guerre. Il est donc avéré que ce fut le 22 juillet même, après avoir reconnu l’impossibilité d’une attaque avantageuse des lignes du prince Eugène

  1. Voyez la pièce dans Arneth, Prinz Eugen, t. II, p. 498.
  2. Nous n’avons plus les papiers de Villars. Ils avaient été légués par le dernier duc, fils du maréchal, au comte de Vogué, son cousin germain, dont les héritiers confièrent ce dépôt à la bibliothèque de Sainte-Geneviève de Paris. Ces papiers ne comprenaient pas moins de quatorze volumes ou portefeuilles in-folio de correspondance, et deux volumes de matériaux ou de rédactions pour les Mémoires ou la vie du maréchal. Ces seize volumes furent retirés de chez les génovéfains, en janvier 1792, par le comte de Grimoard, au nom de M. de Sérent, héritier de Mme la comtesse de Vesins, se disant ayant droit à la propriété de ces manuscrits. La seule pièce qui en reste à Sainte-Geneviève, c’est le reçu de M. de Grimoard, et je n’ai pu découvrir quelle a été la destinée de cette précieuse collection à travers nos orages révolutionnaires. Il y avait là un grand nombre de lettres de Mme de Maintenon.