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Malplaquet, il prit sur-le-champ, et sur l’avis conforme du maréchal de Montesquiou, le parti décisif d’une marche sur les lignes de Marchiennes, non plus cette fois par un grand détachement, comme la chose avait été projetée plusieurs fois, mais par l’armée tout entière, ce qui était plus difficile, mais aussi d’un résultat plus certain. En effet, l’exécution de la marche sur Denain par l’armée tout entière est ce qui donne à l’opération son caractère propre au point de vue de l’histoire militaire. L’entreprise si périlleuse par détachement, telle que M. Voysin la demandait au comte de Broglie, n’eût opéré qu’une diversion pour débloquer Landrecies, et n’était qu’une menace pour les communications. L’attaque par l’armée française tout entière était plus hardie, parce que la manœuvre s’opérait à la vue de l’ennemi, mais le succès promettait la ruine des coalisés ; elle devait emporter d’emblée un camp retranché protégé par une force imposante et par l’Escaut. Villars n’y fut point trompé, et le 24 juillet il adressait au roi, du champ de bataille même, la dépêche suivante portée par M. de Nangis, officier-général très distingué, en qui Villars avait toute confiance :


« Après plusieurs nouvelles pénibles à votre majesté, j’ai au moins la satisfaction de lui en apprendre une agréable. M. le marquis de Nangis aura l’honneur de lui dire que le camp retranché de Denain a été emporté après une assez vigoureuse résistance… Je n’ai point donné de ces batailles générales qui mettent un royaume en péril ; mais j’espère, avec l’aide de Dieu, que le roi retirera d’aussi grands avantages de celle-ci. Milord Albemarle a été pris, le comte de Nassau tué, deux lieutenans-généraux pris, deux maréchaux de camp, plusieurs autres officiers principaux, le prince d’Anhalt, ont été faits prisonniers. — Les troupes de votre majesté ont marqué une valeur extrême ; je ne puis assez m’en louer. — M. le maréchal de Montesquiou a donné tous les ordres avec beaucoup de fermeté. M. d’Albergotti a montré son courage ordinaire. MM. de Vieuxpont et de Broglie, qui commandaient les premiers détachemens, MM. de Breudlé et de Dreux, et M. le marquis de Nangis, M. le prince d’Isenghien, M. de Mouchy, méritent tous de très grandes louanges, aussi bien que le major-général… Si j’en dois croire M. d’Albemarle, M. le prince Eugène n’a qu’à se retirer par Mons… »


La dépêche du 25 au roi était aussi laconique. Elle était accompagnée d’un rapport détaillé de M. de Contades, major-général.


« J’ose assurer votre majesté, dit Villas, que ce que l’on a fait était certainement tout ce qui pouvait arriver de plus heureux… Il me sera toujours très aisé de prouver très clairement à votre majesté que pour Landrecies, à moins de m’y poster le premier, en abandonnant Cambrai et Arras, je n’ai jamais pu y combattre qu’avec apparence de la