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d’action et en lui témoignant constamment la plus entière confiance. Cette correspondance honore singulièrement le roi et le maréchal de Villars, qui s’y montrent animés du plus pur patriotisme, et cherchant avec sollicitude les moyens de sauver l’état ; la noble inquiétude de l’un, le calme inaltérable de l’autre, une simplicité héroïque, un langage élevé, sont les caractères constans de ces dépêches. Louis XIV y paraît ému, impatient quelquefois, mais dominant l’adversité : il ne dissimule point son désir d’une action décisive, ni son ressentiment des outrages que la France et le roi recevaient de l’ennemi ; mais il se contient et se confie, en fin de compte, au jugement de Villars, qu’il reconnaît devoir être l’arbitre de l’action. Quant à Villars, il est modeste, réservé, dévoué, dévoilant toujours le péril avec franchise, et, comprenant la responsabilité qui pèse sur lui, il ne ressemble guère au portrait de matamore vaniteux et vantard qu’en a tracé un écrivain dont il était haï. Selon Saint-Simon, tout le mérite de la combinaison qui aboutit à la bataille de Denain appartient au maréchal de Montesquiou, commandant en second de l’armée française, et le rôle de Villars aurait été pitoyable dans cette grande affaire. Les pièces en main, nous pouvons discuter aujourd’hui le jugement d’un éloquent et ardent ennemi, et rendre à chacun ce qui lui est dû.

L’affaire de Denain est du 24 juillet. Il est important d’en garder le souvenir. Or, dès le 10 du mois de mai et peu de jours après que Villars eut repris le commandement de l’armée de Flandre, M. Voysin, ministre de la guerre, attirait confidentiellement l’attention du maréchal sur les lignes de Denain. « Si les ennemis, disait-il, se portaient assez avant, vous pourriez leur couper cette communication. » Villars envoyait le 14 une longue dépêche où il rend compte de la visite minutieuse qu’il a faite du théâtre de la guerre et des partis divers qu’il y aurait à prendre selon les mouvemens de l’ennemi. Le prince Eugène ne manifestait point encore à ce moment la pensée d’une nouvelle tentative sur la vallée de l’Oise. A Paris, on ne se doutait pas même qu’une pointe par Landrecies fût possible, et la lettre de M. Voysin, du 17 mai, prouve qu’on n’avait pas songé à mettre cette place importante à l’abri d’une attaque. Le 13 juin, M. Voysin écrivait au maréchal : « Le prince Eugène sera bien aise de pouvoir tirer ses convois par Mons, supposé que vous puissiez parvenir à l’empêcher de les tirer par Marchiennes. »

Au mois de juin, lorsque Le Quesnoy eut été investi, le projet d’irruption par l’Oise, apparut clairement, et les craintes de la cour furent très vives. On prescrivit au maréchal de Villars de secourir cette place ou de faire une diversion pour la débloquer. La diversion était du goût de Villars. Il vint le 16 juin reconnaître les environs de Bouchain et les retranchemens que les ennemis avaient