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menées diverses produisirent, une situation difficile pour tout le monde ; nous raconterons dans une autre étude les vicissitudes diplomatiques auxquelles elle donna lieu. Tenons pour certain aujourd’hui que le sort des négociations, secrètes d’abord, publiques à la fin de 1711, resta complètement subordonné à la destinée des armes, car on négociait tout en continuant les opérations militaires, et ni le prince Eugène, directeur suprême de ces opérations, ni les, Hollandais, qui lui restaient fidèles, n’entendaient se départir des préliminaires de 1709. Le ministère anglais poussa même, la dissimulation envers la France ou la Hollande jusqu’à renouveler le 22 décembre 1711, par un traité secret dont il a été trop peu parlé[1], le fameux traité de la barrière dont l’avantage exorbitant soutenait l’ardeur des Hollandais dans la coalition, alors que le même cabinet avait signé avec le cabinet de Versailles, le 8 octobre, des articles préliminaires d’abord tenus cachés, mais qui furent le 17 décembre présentés au parlement, où ils soulevèrent un violent orage.

Au mois de janvier 1712, le prince Eugène fit le voyage de Londres pour déjouer les projets de pacification. M. de Torcy a parfaitement connu et raconté les détails de ce voyage, et son récit concorde avec les pièces publiées par M. Arneth ; le prince fut peu satisfait de ses entrevues avec la reine Anne. Les tories lui ménagèrent même des affronts publics. L’électeur de Hanovre prit part à des démonstrations hostiles au ministère, et ce fut un moment de crise pour ce dernier. Eugène ne put le ramener à lui, mais il obtint un point important, à savoir la certitude qu’à l’ouverture de la campagne les troupes étrangères soldées par l’Angleterre désobéiraient aux ordres de la reine, resteraient sous les drapeaux du prince et déconcerteraient ainsi les mesures qu’on soupçonnait avoir été arrêtées avec la France. Toutefois il ne put empêcher que Marlborough ne fût relevé de son emploi de général en chef des forces britanniques[2]. Les relations du ministère avec le duc étaient devenues intolérables. L’irritation des whigs et les progrès de l’opinion favorable à la paix avaient déterminé le cabinet anglais à rompre

  1. Voyez, sur le traité de la barrière dont il est ici question, l’essai historique de Grimoard, en tête de la correspondance de Bolingbrooke, traduct. franc., I, p. 20-21. Grimoard n’a pas connu le renouvellement du 22 décembre 1711, dont on peut vérifier le texte dans le t. VIII, Ire partie, du Corps diplomatique de Dumont, p. 288.
  2. Les jugemens sur ce général sont fort divers. M. de Grimoard lui est peu favorable. Il faut lire les détails curieux et singuliers qu’il donne sur l’origine de sa fortune militaire. L’Histoire du duc de Marlborough, par Ledhyard, a été traduite en français et publiée à Paris, 1806, 3 vol. in-8o. — W. Coxe a publié les mémoires et correspondances du duc, à Londres, 1818, 3 vol. in-8o.