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LA
BATAILLE DE DENAIN

I.


I

Au milieu des malheurs qui affligent la France, si quelque souvenir peut raffermir les courages et rappeler l’espérance dans les âmes, c’est celui des cruelles épreuves auxquelles, en d’autres temps, notre patrie a été soumise, et dont pourtant elle s’est relevée avec éclat. Les dernières années du règne de Louis XIV nous offrent un de ces exemples mémorables. De l’apogée de la puissance et de la gloire, la France était tombée en un abîme de calamités, et le découragement universel avait succédé dans les cœurs à tout autre sentiment. La confiance inébranlable de quelques hommes a soutenu l’honneur national en ces jours néfastes. Le vieux roi s’est montré ferme dans l’adversité, et un vaillant capitaine, avec une poignée de soldats, a rétabli la fortune de la France. La plus redoutable coalition a été brisée, et la passion immodérée d’ennemis aussi puissans qu’habiles a été vaincue. La journée de Denain a sauvé la France, et Voltaire n’a été que l’écho fidèle de d’opinion unanime de son temps lorsqu’il a dit dans le Siècle de Louis XIV : « La France, épuisée d’hommes et d’argent, était dans la consternation. Les esprits ne se rassuraient point par les conférences d’Utrecht, que les succès du prince Eugène pouvaient rendre infructueuses. Déjà même des détachemens considérables avaient ravagé