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l’impéritie du pilote tongien une indemnité assez considérable. Le roi George de Tonga se hâta de la lui faire payer, mais à la condition qu’il quitterait immédiatement ses états pour n’y plus revenir. Avec sa vieille expérience, le roi ne se souciait pas d’avoir affaire aux navires de guerre européens. M. D…, poussé par le hasard, arriva aux Wallis avec l’intention d’y construire un navire et de gagner ensuite la Nouvelle-Calédonie ; néanmoins il vivait à Uvea depuis plus de neuf ans. Pendant les premières années, il entretint les meilleures relations avec les missionnaires ; puis il agita le pays au point que la reine Amélie dut demander protection contre cet hôte incommode au commandant de la Mégère dans une lettre qui accuse d’une façon naïve l’impuissance de ces petits souverains insulaires. Il suffira d’en citer quelques fragmens.


« Regina-Speï, 4 juillet 1869.

« Je vous présente mon amitié à vous, commandant de la corvette française la Mégère, à vous qui me faites l’honneur et le plaisir de me visiter dans mon petit état. Que de temps il y a que les relations avec nos amis de France n’existent plus !

« Soyez le bienvenu. Venez, je vous en prie, me prêter assistance dans les divers embarras qui me préoccupent au sujet des Européens qui viennent vivre sous mes lois. Ma mère Falakika a fait tous ses efforts pour renvoyer de sa terre M, D…. qui refusait de lui obéir. Loin de partir, il a toujours persisté à mettre plus d’entraves à son gouvernement.

« Le mal venait de ce que les marins anglais refusaient de le transporter ; il s’entêtait, et aujourd’hui il me dit à moi-même : Si vous me renvoyez, je laisse mes marchandises, dont vous serez vous-même responsable. Or je vous assure, commandant, que je ne veux point répondre de ses effets. Je me souviens trop bien de vingt tonneaux d’huile que nous venons de payer aux Anglais, pour des avaries dont il ne faudra pas même parler…

« Commandant, veuillez m’obliger en exigeant vous-même le départ de cet homme. Nous avons entendu dire qu’il est réclamé à Taïti pour dettes ; s’il en est ainsi, veuillez être agréable aux créanciers, et à moi me rendre un service…

« Il a compromis mon île auprès d’un navire anglais au point de faillir y susciter la guerre, et le commandant de ce navire a bien voulu faire droit, à ses insinuations calomnieuses.

« Il a refusé, dans plusieurs occasions, de payer le droit d’huile à ma mère Falakika, sous prétexte, disait-il, que son gouvernement était défectueux. Il met le désordre dans des ménages par ses rapports avec des femmes mariées… Il met le trouble entre les Européens qui habitent ma terre ; il met le trouble entre mes sujets.