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nul sol au monde peut-être n’est aussi riche, aussi fécond que celui d’Opoulou. L’igname, la patate douce, le faro, l’ananas, croissent presque sans culture dans les plaines immenses et admirablement arrosées qui se déroulent autour d’Apia ; l’arbre à pain, dont on compte plus de vingt espèces, le bananier, dont les variétés sont plus nombreuses encore, se rencontrent à chaque pas dans les forêts qui couvrent les plus hautes collines ; enfin les rivages eux-mêmes, et jusqu’aux récifs de la plage, sont bordés d’immenses bois de cocotiers. Ces produits fournissent non-seulement à l’alimentation de la population indigène, mais bien avant même l’arrivée des Européens ils avaient créé un important commerce d’échange avec les archipels voisins. Depuis cette époque, le caféier, la canne à sucre, le coton, divers arbres à épices, la vanille, ont été introduits, et tous ont parfaitement réussi. Sous l’influence de la crise produite sur les marchés européens par la guerre de la sécession américaine, la culture du coton fut entreprise sur une assez large échelle, et l’exportation par la voie de Sidney s’éleva à plus de 2,000 tonnes. Les premiers prix, les plus élevés, furent de 50 centimes le kilogramme ; mais ils ne purent se soutenir ; aussi cette culture est aujourd’hui abandonnée. En revanche, les plantations de café, de sucre et des autres denrées coloniales y sont en pleine prospérité.

Le grand marché de l’Océanie, c’est Sidney et les autres villes si importantes déjà de l’Australie anglaise. Toutes s’approvisionnent aujourd’hui de ces denrées à Manille, à Batavia, à Bourbon, à Maurice. De tous ces ports, les navires ont une traversée de deux mois, et le plus souvent dans des parages d’une navigation difficile et dangereuse. En quinze jours au contraire, des Samoa on arrive à Sidney. L’éloignement du marché, qui rendait impossible la culture du coton aux Samoa, parce qu’il était destiné à l’Europe, n’aura-t-il pas les mêmes effets, mais cette fois en faveur de l’archipel, pour les denrées intertropicales ? L’expérience a déjà prononcé, un seul obstacle reste à vaincre pour assurer le développement de pareilles entreprises. C’est la paresse des indigènes, on pourrait dire leur horreur du travail. En supposant que ce défaut soit invincible, ce qui n’est pas sûr, le remède est désormais connu. Le jour où de nombreux Européens s’établiront dans ces îles, l’émigration leur donnera les bras dont ils auront besoin. Je n’ai pas seulement en vue l’émigration chinoise, qui a le grand inconvénient d’exiger de puissans capitaux, mais celle des Indiens des archipels de la Micronésie, comme les Nouvelles-Hébrides, les Marshall, où déjà elle est en pleine vigueur. Cette émigration, sur laquelle nous aurons à donner plus de détails quand nous aborderons les Fidji, est aujourd’hui principalement dirigée vers ce dernier archipel et vers les