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uns des autres, n’offrent presque tous que des îles sans importance, si on les compare aux grandes terres de la Malaisie et de l’Australie. Les plus grandes de ces îles, celles mêmes qui donnent leur nom à des groupes tout entiers, n’ont guère plus de vingt lieues de diamètre. Autour d’elles, ainsi que des satellites, se pressent une multitude d’îles plus petites encore, d’îlots à peine habités, que dominent les sommets des premières, perdus dans les nuages, — volcans encore en éruption, comme le Mauna-Roa aux Sandwich, volcans à peine éteints, comme le Diadème à Taïti, le mont Duff aux Gambiers ; — mais l’étendue du territoire n’est pas toujours la différence la plus caractéristique des îles d’un même groupe. La constitution géologique de chaque archipel révèle tout d’abord une origine différente, des modes de formation très opposés. Les premières îles, c’est-à-dire les plus étendues, avec leurs hautes montagnes, leurs cratères encore fumans, leurs pics dentelés et aux pentes abruptes, leurs rochers basaltiques, leur sol tourmenté, appartiennent évidemment aux terrains de soulèvement plutonien. Quelque commotion subite les a fait surgir de l’Océan, et on peut suivre sur une carte la direction de la chaîne de montagnes sous-marines, dont ces îles ne sont que les sommets culminans. Les secondes au contraire, basses, plates, uniformes, s’élevant à peine de quelques mètres au-dessus de la mer, ont également une commune origine ; mais la formation définitive, la création évidemment récente en est due aux travaux de ces insectes madréporiques ; qui, dans leur puissant élan vers la lumière, ont élevé, par un incessant travail, jusqu’au niveau de la mer leurs vivantes murailles. Les assises de celles-ci furent les plateaux inférieurs de la même chaîne de montagnes à laquelle appartiennent les plus grandes îles, et que l’action des volcans sous-marins ne put faire émerger comme elles[1]. Du reste, l’action des madrépores, partout visible dans ces parages, se continue toujours et peut être mesurée même, non pas au cours des siècles, mais à celui des simples années[2]. C’est à elle que sont dus ces nouveaux écueils si redoutés dont, l’existence n’est le plus souvent signalée que par un naufrage, et ; qui, si rapidement transformés en îles nouvelles, ne tardent pas à être habités. Ces surprenantes transformations s’accomplissent avec les

  1. Ce qui justifie cette hypothèse, c’est que les insectes madréporiques ne peuvent vivre au-delà d’une certaine profondeur ; M. Cuzeul, dans sa monographie de l’île de Taïti, établit, d’après les recherches de la frégate anglaise Meander, un maximum de 72 mètres.
  2. Des observations de ce genre, inaugurées par Cook lui-même, délaissées ensuite, viennent d’être reprises récemment dans divers ports de l’Océanie, et promettent d’intéressans résultats, si elles sont conduites avec suite.