Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/367

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 septembre 1870.

Les malheurs de la France ont trompé encore une fois notre espoir, et ces malheurs, en s’aggravant, ont eu aussitôt un contre-coup intérieur. Une révolution s’est accomplie à travers les plus formidables hasards de la guerre. Le 4 septembre, comme on était sous la brûlante impression de ces désastres par lesquels notre pays garde encore le triste et glorieux privilège d’étonner le monde, le 4 septembre, entre midi et quatre heures du soir, l’empire a disparu dans un incomparable effondrement, et la république s’est relevée pour recueillir le douloureux héritage d’une situation compromise, pour ramasser les forces de la nation, pour faire face à cette tempête de feu qui s’avance sur Paris. La France est rentrée en possession d’elle-même, sans lutte, sans déchirement, par une sorte de soubresaut de patriotisme et de désespoir devant l’ennemi.

Cette révolution, à dire vrai, n’avait rien d’imprévu pour ceux qui croient aux causes morales et à une certaine logique supérieure dans la marche des événemens, elle était inévitable dès le jour où les premiers revers de la guerre avaient brusquement divulgué le secret de l’empire en mettant à nu l’impéritie, la légèreté, la confusion, le désordre, qui avaient présidé à l’organisation d’une telle campagne. Les serviteurs les plus invétérés du régime déchu ne s’y trompaient guère eux-mêmes. Ils comprenaient que, quoi qu’il arrivât désormais, le coup était porté, qu’il n’y a plus d’avenir possible pour un gouvernement qui a exposé un pays à ces cuisantes humiliations, contre lesquelles l’héroïsme ne peut rien. Au point où en étaient les choses, un retour de fortune aurait pu peut-être tout au plus suspendre la grande et inéluctable expiation, ajourner ou adoucir la transition. Un nouveau revers, venant après les sanglans mécomptes du commencement de la campagne, devait infailliblement tout précipiter. Cette fois le malheur a passé la mesure, le désastre a été immense, terrible. Trois jours de combats suivis d’une