Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/361

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voulut même pas s’associer à la démarche conciliatrice d’intervention que le gouvernement français proposait en novembre 1862 aux cours de Londres et de Saint-Pétersbourg.

L’abstention systématique du cabinet anglais devint à la longue si marquée que M. Mason, qui représentait les états du sud, perdit courage et quitta Londres après un séjour inutile de deux années. Il fut clair alors que les confédérés ne devaient plus compter que sur eux-mêmes, et que tout espoir d’une alliance européenne devait s’évanouir. La guerre n’en continua pas moins avec vigueur. En 1864, les rebelles avaient encore 220,000 hommes sous les armes, mais les fédéraux en avaient près de 1 million. Dès les premiers mois de l’année 1865, ces derniers obtenaient des succès décisifs ; ils occupaient Charleston et Wilmington, Richmond se rendait le 3 avril, et enfin le 9 du même mois le brave général Lee, écrasé par le nombre, capitulait avec les débris de l’armée du sud. C’était la fin de la guerre civile, tristement marquée, hélas ! quelques jours après, par l’assassinat du président Lincoln.

Nous avons vu, à mesure que les événemens se déroulaient, quelles furent les réclamations adressées par le gouvernement fédéral au cabinet britannique, d’abord à propos de la proclamation royale qui accordait aux rebelles la qualité de belligérans, puis à l’occasion des entreprises réitérées des blockade-runners, puis, ce qui fut le plus grave, au moment où des navires destinés à la marine confédérée sortaient des ports d’Angleterre. On aurait pu croire que, la guerre éteinte, les griefs du peuple américain contre la Grande-Bretagne seraient oubliés. Il n’en a pas été ainsi. Le débat s’est continué entre les deux nations par la voie diplomatique, et n’est pas encore clos. En 1866, lord Stanley avait remplacé lord Russell au foreign office. M. Seward envoyait à M. Adams, qui était encore ministre des États-Unis à Londres, ce que l’on aurait pu appeler la carte à payer. Au nom des armateurs, des chargeurs, matelots et assureurs des navires capturés par l’Alabama, la Florida, la Georgia, le Shenandoah et autres croiseurs confédérés sortis des ports de la Grande-Bretagne, il réclamait une indemnité de 50 millions de francs. Pour expliquer le retard qu’éprouvait cette importante réclamation, le secrétaire d’état américain rappelait que les États-Unis, aussi bien que l’Angleterre, s’étaient vus engagés au sortir de la guerre dans des questions de politique intérieure, et qu’au surplus l’apaisement des passions soulevées au cours de la lutte était une condition favorable à la solution paisible des différends internationaux. Toutefois, au point où l’on en était arrivé, il était urgent de clore le conflit, et il ne fallait rien moins que cela pour rétablir des relations cordiales entre les deux nations.