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deux obusiers à bord, comme c’est assez l’habitude des navires qui vont dans les mers de l’extrême Orient. Ce navire rencontre en rade de Funchal, dans l’île de Madère, un autre, bateau à vapeur parti de Londres à destination de Nassau, qui lui remet des armes et des munitions. Le capitaine déclare alors à l’équipage que le navire est vendu à la confédération du sud ; il fait apporter des sacs d’or sur le pont et offre à tous les matelots qui voudront se rengager des avantages magnifiques. Ces procédés étaient d’apparence suspecte sans doute, car, sur 46 hommes venus de Londres, à seulement consentirent à continuer le voyage. A partir de ce jour, le bateau à vapeur s’appela le Shenandoah. Trois mois plus tard, il était à Melbourne, où on lui permit de faire du charbon et de se radouber ; mais les permissions furent retirées, parce que le gouvernement de la colonie s’aperçut que le capitaine Waddell, commandant de ce navire, embauchait des matelots anglais. Le Shenandoah quitte Melbourne en février 1865, se rend dans les mers arctiques, et y capture de nombreux baleiniers américains, qui sont livrés aux flammes. Vers la fin de l’été, le capitaine Waddell apprend par l’équipage d’une de ses prises que la guerre est finie, que le gouvernement des états du sud a succombé ; il revient alors en Angleterre et livre son navire aux autorités britanniques de Liverpool. Le capitaine Waddell poursuivait encore les navires américains trois mois après la chute du gouvernement dont il portait les couleurs. Il y a quelque apparence qu’il n’était pas resté un si long temps sans avoir connaissance des événemens survenus en Amérique. S’est-il conformé aux lois de la guerre dans le cours de sa croisière solitaire ? Un tribunal maritime aurait-il confirmé la validité de ses prises ? Il y eut un long débat entre les cabinets de Londres et de Washington au sujet du Shenandoah. M. Seward soutenait que ce bâtiment n’avait jamais cessé d’être anglais, et que par conséquent son commandant était un pirate que l’on ne devait pas recevoir dans les ports anglais. Les ministres britanniques répondaient que le navire était devenu la propriété des états confédérés, qui en avaient payé la valeur aux anciens propriétaires, et que d’ailleurs le caractère de vaisseau de guerre lui était garanti par la commission dont le capitaine Waddell était titulaire.

Pour conclusion de cette trop longue histoire des corsaires confédérés, nous ne saurions mieux faire que de reproduire les propres argumens de M. Mountague Bernard. Les expédiens auxquels on eut recours pour acheter et armer ces navires ont discrédité le gouvernement de Richmond, et furent une offense envers la souveraineté de la Grande-Bretagne. Ces entreprises ne se réalisèrent qu’au moyen d’artifices indignes d’une nation qui prétendait se faire