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surveillance de l’escadre du blocus. Peu de jours après, il avait déjà fait six prises, et se présentait, en les traînant à la remorque, dans la baie de Cienfugos, sur la côte méridionale de Cuba. Les autorités espagnoles lui permirent de faire de l’eau et du charbon, puis il repartit, laissant dans le port ses prises et les. équipages. Dès que ces faits furent connus, M. Seward se hâta de demander satisfaction au gouvernement espagnol, prétendant qu’admettre un pirate avec ses prises, le ravitailler et consentir à son départ, c’est une violation du droit des gens. L’Espagne avait attendu plusieurs mois avant de lancer sa proclamation de neutralité, et le gouverneur de Cuba n’en avait probablement pas encore connaissance lors de la visite du Sumter. Au surplus, le cabinet de Madrid n’était pas mieux disposé que les autres à traiter en pirates les navires de guerre de la confédération du sud. On répondit que les navires capturés et les équipages étaient mis en liberté, et M. Seward crut ne pas devoir insister.

Le Sumter, continuant sa carrière, parut le 15 juillet devant le port hollandais de Sainte-Anne, dans l’île de Curaçao. Le gouverneur ne voulut l’admettre que sur la déclaration faite par le capitaine Semmes que c’était non un corsaire, mais bien un navire commissionné par le gouvernement de Richmond. Il fit du charbon et reprit la mer au bout de huit jours. Là-dessus, nouvelle réclamation de M. Seward à l’adresse du gouvernement hollandais, à quoi celui-ci répondit qu’il était résolu d’observer la neutralité, et que repousser les navires de guerre de l’un des belligérans en admettant ceux de l’autre ne serait pas l’acte d’une puissance neutre. Le ministre hollandais rappelait avec beaucoup d’à-propos que les Provinces-Unies, en 1779, avaient refusé de livrer à l’Angleterre un corsaire américain en relâche au Texel, et que le capitaine Semmes était justement dans la situation des corsaires américains pendant la guerre d’indépendance.

Enfin le Sumter se présenta le 30 juillet dans une colonie britannique, à la Trinité. Il y resta six jours, fit du charbon et repartit. sans avoir été inquiété5 puis, après une longue course sur les côtes de l’Amérique du Sud, pendant laquelle il avait capturé et brûlé plusieurs navires de commerce américain, il arriva le 9 novembre à la Martinique. Il lui fallait encore du charbon ; tandis qu’il faisait son approvisionnement avec l’autorisation du gouverneur, un navire de guerre fédéral, l’Iroquois, supérieur au Sumter en force et en vitesse, apparut aussi dans la baie de Saint-Pierre. Quelle protection ce dernier pouvait-il réclamer contre son dangereux rival ?

Lorsque deux navires ennemis se rencontrent dans les eaux neutres, non-seulement ils ne peuvent s’y livrer à aucun acte