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traître à l’Union. Il est de fait que M. Lincoln n’était pas même en état d’armer les 75,000 volontaires qu’il avait appelés tout d’abord, tandis que les sécessionistes étaient assez bien pourvus pour mettre 100,000 hommes en ligne. Cependant les ressources propres à l’Amérique ne devaient pas suffire longtemps. L’industrie privée fournissait à peine quelques milliers de fusils tous les ans ; les arsenaux ne pouvaient étendre beaucoup leur, fabrication, faute d’un outillage convenable. Il fallait donc recourir à l’Europe, notamment à l’Angleterre, pour armer les centaines de mille hommes que les deux belligérans allaient s’opposer.

Une puissance neutre ne viole pas la neutralité en laissant à ses sujets la faculté de vendre des armes aux belligérans, pourvu que l’un des deux ne soit pas plus favorisé que l’autre, le seul danger d’un tel commerce est d’être sujet à la saisie, puisque les objets en sont qualifiés contrebande de guerre, et sont en conséquence saisissables même sous pavillon neutre. En ce qui concernait les états du nord, le commerce se faisait ouvertement, puisque la marine de l’Union était maîtresse de la mer. On voit par les statistiques de douane que la valeur des armes exportées de la Grande-Bretagne à destination de l’Amérique monte de 1 million de francs en 1860 à 25 millions en 1862, et décroît ensuite. Quant aux sécessionistes, ce qui leur était destiné sortait d’Angleterre sous la destination apparente des Indes occidentales, les ports du sud étant bloqués par les escadres fédérales. Le chiffre est de 125,000 francs en 1860, de 9 millions en 1862, et redescend aussi à partir de 1863. Il semblerait que dès lors les Américains du nord, aussi bien que ceux du sud, s’étaient mis en état de fabriquer eux-mêmes les armes dont ils avaient besoin. M. Jefferson Davis le déclare au reste dans son message du 12 janvier 1863. « Nos armées sont plus nombreuses, plus disciplinées, mieux équipées qu’à aucune époque. L’énergie de la nation, dirigée uniquement vers le succès de cette guerre, a accompli des merveilles, et la Providence a converti en bienfaits quelques-unes de nos épreuves… Le développement de nos ressources intérieures a compensé la suppression du commerce extérieur. Les canons dont sont armées nos forteresses proviennent de mines et de fonderies mises en activité pendant la guerre. Les cavernes de nos montagnes fournissent du salpêtre à nos manufactures de poudre. Nos ateliers, nos usines, nos arsenaux, produisent le matériel de guerre et les objets d’équipement consommés avec tant de profusion dans les combats qui se succèdent si rapidement. Les tissus de laine et de coton, les harnais, les affûts, sortent chaque jour plus nombreux des fabriques créées depuis le début des hostilités. » Peut-être l’imagination complaisante du président des états confédérés