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généralement admis que la pellicule variolique est un des agens de contagion les plus puissans. Les Chinois vaccinent en appliquant une pellicule pulvérisée dans l’intérieur de la narine. Les blanchisseuses de la Salpêtrière ont reçu tout le linge où les varioleux de nos hôpitaux avaient dormi, couché, étaient morts. Si des créatures humaines ont été exposées à prendre les germes d’une maladie qui se communique avec la plus extrême facilité, certes ce sont ces lavandières. Eh bien ! aucune d’elles n’a été atteinte.

On ne peut douter cependant que l’action de secouer fréquemment du linge ne porte un préjudice grave à la santé. Les ouvrières, les surveillantes employées au service spécial de la lingerie en fournissent la preuve. Ce sont elles qui reçoivent le linge lavé, séché et plié. En terme de ménage, elles le visitent, c’est-à-dire que, déployant chaque pièce une à une et l’examinant avec soin, elles voient et décident si elle doit être envoyée aux ateliers de raccommodage ou au magasin central. Toutes ces femmes ont mal au larynx, sont sujettes à une toux sèche et continue qui les fatigue beaucoup. L’espèce d’impalpable duvet qui se détache de la grosse toile, surtout lorsque celle-ci est fatiguée par l’usage et par des lessives répétées, pénètre dans les voies respiratoires, les irrite, provoque un picotement perpétuel, et finit par amener des affections sinon graves, du moins très gênantes. — Or presque tout le linge qui passe entre les mains des lingères de la Salpêtrière est du linge qui peluche, c’est le mot consacré, et il en résulte pour elles cette sorte d’inconvénient spécial auquel il serait facile de remédier en leur distribuant ces respirateurs en ouate de coton que J. Tyndall préconise et fait adopter avec tant de succès en Angleterre. Cet appareil, très facile à porter et dont le prix est extrêmement minime, appliqué sur la bouche et sur les narines, arrête au passage les corps étrangers, si imperceptibles qu’ils soient, et ne laisse passer que de l’air respirable absolument purgé de toute matière parasite. Les femmes de la lingerie se font aider dans leur fatigante besogne par des pensionnaires valides. Comme il faut une certaine vigueur pour manier ces grosses masses de linge, on choisit de préférence les moins âgées, qui sont les épileptiques. Bien souvent, au milieu de leur travail, une de ces malheureuses se lève, pousse cette plainte déchirante qu’on n’oublie jamais quand on l’a entendue une fois, et tombe en proie au mal mystérieux qui la visite. Ces accidens sont si fréquens, qu’on n’y fait guère attention, et qu’ils semblent faire partie de la vie usuelle. On prend la malade, on l’étend sur un paquet de linge en l’isolant de la muraille et des meubles pour qu’elle ne se blesse pas pendant les convulsions, on desserre ses vêtemens et on la laisse là jusqu’à ce que l’attaque ait