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II.

Nul pays n’est mieux doué que le nôtre sous le rapport des ressources naturelles : fleuves divers par la température et le peuplement, rivières de plaines et torrens des montagnes, ruisseaux abondans et partout répandus, étangs, mares à chaque pas. Les lacs seuls manquent ; nous n’en possédons que deux vraiment dignes de ce nom, le lac de Grandlieu en Bretagne et le lac du Bourget en Savoie, et nous conservons le nom d’étangs aux lagunes salées de la Méditerranée. En revanche, la quantité des eaux fermées par petites masses est si grande chez nous que, si nous possédons très peu de lacs proprement dits, nous en avons la monnaie répandue partout.

Il faut, pour notre sujet, considérer les eaux douces sous deux aspects bien différens, comme eaux ouvertes et comme eaux fermées, les premières comprenant les fleuves, les rivières et les ruisseaux, les secondes représentées par les lacs, étangs, lagunes et mares. Les eaux ouvertes renferment des peuplemens naturels moins divers entre eux, malgré les variations de localité et de climat, que l’on serait tenté de le supposer, tandis qu’ils sont toujours très différens de ceux des eaux fermées. Or ce sont surtout ces eaux ouvertes, véritables mines de richesse pour l’avenir, qui sont susceptibles des aménagemens particuliers que tous les hommes prévoyans réclament, et que l’administration des ponts et chaussées, après avoir succédé à celle des eaux et forêts, s’efforce de faire sortir du néant. Par malheur, les ressources spéciales manquent, et l’administration est encore bien loin de pouvoir accomplir une faible partie du nécessaire. En sera-t-il toujours ainsi ? Cela dépendra de l’intelligence et du bon vouloir de nos assemblées législatives.

Malgré les efforts d’Huningue, — établissement auquel on refuse, nous ignorons pourquoi, la faculté d’élever des poissons en l’obligeant de se borner à les faire éclore, — malgré les efforts d’Huningue et de deux ou trois autres établissemens plus petits disséminés un peu partout par les ponts et chaussées, nous sommes bien forcés d’avouer que la piscifacture n’existe point encore en France. Il faut la créer, car, du jour où elle s’étendra et se vulgarisera, elle produira des résultats précieux ; la valeur des améliorations réalisables dans les eaux ouvertes n’a pour ainsi dire pas de limites, et le champ est si large qu’il y a là de l’occupation pour plusieurs siècles. Le tout est de commencer ; il suffirait pour cela qu’une assemblée législative voulût bien avancer 10 millions, comme elle l’a fait pour les repeuplemens forestiers. On pourrait tenter quelques efforts et voir si le succès n’est pas aussi facile à obtenir chez nous